Epoustouflant ou creux, créatif
ou insipide, superbe ou d’une violence terrible, tout est possible
et acceptable…
C’est un homme qui court, traqué, sans autres ressources
que sa rage et sa peur. A partir du moment où la caméra
le croise, il n’y a plus qu’un seul point de vue, le sien.
On ne sait rien de lui, de son histoire, juste quelques images que
l’on peut interpréter soit comme des rêves d’un
avenir qui n’aura pas lieu, ou comme des souvenirs d’un
passé flou. On peut l’imaginer afghan, irakien…
mais son visage est européen, ou américain (C’est
Vincent Gallo, et même barbu, il a du mal à passer pour
autre chose qu’un occidental…), il ne prononce pas un
seul mot, on ne le voit pas prier, on suppose qu’il sait se
battre mais rien n’est moins sûr : peut-être est-ce
l’énergie du désespoir, et on sent bien qu’à
chaque confrontation avec l’autre, quel qu’il soit, il
a bien plus de peur que de haine en lui.
La mise en scène est complètement étonnante lorsque
l’on sait que le réalisateur a soixante-dix ans passés
: caméra nerveuse, montage au scalpel, contrastes saisissants
entre des instants de contemplation d’une beauté douloureuse
et des scènes de poursuite dramatiques, formidablement rythmées,
d’une énergie digne d’un premier film, où
l’auteur aurait mis toute son âme. Il y a de la virtuosité
dans cette façon de filmer mais ce n’est jamais gratuit,
ni la beauté de certaines images, ni la violence (plus souvent
suggérée que montrée) morale et physique, tout
cela est au service d’une idée : mettre le spectateur
dans la peau de ce fugitif, un homme qui ne sait plus où il
est, ni pourquoi il est là, et peut-être même ne
sait-il pas qui il est ?