Drôle de chose que ce documentaire
qui n'en est pas un. Encore à l'affiche après six
mois d'exploitation, il bénéficie d'une vague de sympathie
sur Internet, alimentée par un site
plutôt bien fabriqué.
Réalisé par deux amis, l'un documentariste, l'autre
golden boy en rupture, et se posant tous les deux le même
type de questions sur les soi-disant bienfaits de la croissance
et de l'économie capitaliste, cette quête de sens accumule
des témoignages et interviews de personnes plus ou moins
connues et militant pour un avenir alternatif, une autre économie
basée sur le respect des ressources naturelles et le partage
équitable des richesses. C'est formidable, et c'est aussi
un peu agaçant. Ces deux-là, malgré leurs discours
de plus en plus convaincus, semblent s'être offert une parenthèse
de bonne conscience dans leur vie trépidante et sans soucis
financiers. Qu'en est-il maintenant, et qu'en sera-t-il dans cinq
ans ? Retournés, l'un à ses documentaires, l'autre
à ses entreprises cotées en bourse ? Rien ne peut
l'affirmer, mais rien non plus ne peut empêcher de le penser…
L'agacement ne vient pas seulement des doutes qu'on peut avoir sur
l'engagement réel des deux réalisateurs interviewers,
mais aussi sur l'aspect très léger de tout ce qui
est abordé, rien n'est véritablement creusé,
et on a l'impression d'assister à une succession d'enfoncements
de portes ouvertes, et cela, dans tous les sens, dans toutes les
directions.
C'est pas bien ce que fait Monsanto d'interdire les semences autres
que les siennes, oui, tout le monde le dit, et ensuite ? Cinq petites
minutes sur le sujet, c'est bien court…
La non-violence prônée par Gandhi, c'est bien mieux
que la prolifération des armes nucléaires, assurément,
qui dirait le contraire, et ensuite ? Le postulat est tellement
évident qu'on aimerait voir les choses sous d'autres angles,
à qui profite le crime, qu'est-ce qui chez les hommes les
ramène toujours à la confrontation par la force…
Il faut donner aux populations en souffrance les moyens de s'en
sortir, en les formant à des métiers, en leur apportant
la possibilité de s'exprimer, d'agir… qui pourrait
s'opposer à cela, et ensuite ? Une femme engagée dans
ce sens et ayant certainement des millions de choses à dire
sur le sujet est interrogée sur son action, et ce sont trois
minutes à l'écran…
Tout est ainsi, survolé, avalé sans discussion, et
lorsque le mystique vient mettre son grain de sel, on est en droit
de dire stop, où va-t-on, là… C'est comme une
visite de deux naïfs au salon Marjolaine qui en ressortiraient
avec des étincelles dans les yeux, pleins d'enthousiasme,
ayant un peu tout mélangé mais c'est pas grave, on
a vu tellement de gens formidables. C'est vrai que Pierre Rabhi
ou Vandana Shiva en imposent, et même en si peu de temps,
ils parviennent à faire passer quelques messages forts, mais
l'ensemble reste très léger et finalement ne sert
pas à grand-chose.