Verhoeven n'est pas réputé
pour sa finesse. Ses films vont de l'avant, jouant avec l'ambiguïté
certes, mais laissant finalement tellement d'interprétations
possibles pour les agissements de ses personnages qu'ils en deviennent
des marionnettes un peu théoriques. Ici, Isabelle Huppert
est une exécutive woman, à qui tout réussit,
même son agression sexuelle. Le scénario s'intéresse
beaucoup moins à l'identité du violeur (plutôt
facile à deviner) et à l'enquête pour le démasquer
qu'à l'ensemble des conséquences psychologiques, sexuelles,
amoureuses (très éventuellement) que le viol engendre.
On comprend que le réalisateur, friand de thrillers malsains,
ait été séduit par cette histoire mais le récit
est un peu friable, parsemé d'invraisemblances, dans le détail
(un accouchement en dix minutes chrono !) comme dans certains points
d'importance (la bêtise du fils, l'amitié entre les
deux femmes, la soirée de Noël, l'entreprise de jeux
vidéo…) Cela pourrait être accessoire, et après
tout, nous sommes au cinéma, on peut tout accepter, mais
il s'agit d'une adaptation d'un roman de Philippe Djian, qui se
moque des histoires qu'il raconte, privilégiant le style.
Et ici, le style, c'est celui de Verhoeven, lourd et voyeuriste.
Les acteurs français recrutés pour l'occasion (il
semble que le projet ait été américain au départ,
puis empêché et donc transposé en France) sont
un peu bousculés, pas très habitués à
ce cinéma frontal qui déménage de façon
évidente mais qui ne fait pas dans la nuance. Ils s'en sortent
relativement bien, créant involontairement un certain malaise
: ils jouent comme ils savent faire, on connaît par cœur
leurs mimiques, leur gestuelle, leur phrasé et c'est comme
si l'histoire leur arrivait à eux, non en tant que personnages,
mais en tant qu'acteurs. On ne parvient jamais à oublier
qui ils sont, ce qu'ils ont pu jouer avant… Et c'est un peu
gênant.