Un blues à la Arno, gras
et lourd. Des nuages noirs et quelques trouées de soleil, fulgurantes.
Sans aucune brutalité (sinon morale), un film noir, profond
et qui se paye le luxe d’être parfois horriblement drôle.
L’apparition d’un personnage qui dit s’appeler Alain
Delon est un monument d’humour monstre…
Dans la forme, c’est un road-movie, quelque part entre le "Papa"
de Maurice Barthélémy, et un Don Quichote post moderne.
Dans le fond, c’est une balade (ballade aussi) de la désespérance,
où un drôle de solitaire s’accroche à une
épave humaine, et vice-versa. Au bout du voyage, nul épanchement
de sentiments, aucune concession pour un happy-end ou quelque chose
qui y ressemblerait. Les mêmes nuages, le même blues fantomatique,
dans une campagne belge sinistrée, plus triste que tout ce
qu’on peut imaginer sur ce pays, et en même temps magnifiquement
montrée, loin des clichés urbains habituels. Bouli Lanners
filme comme il joue, en prenant son temps, en laissant filer les nuages,
la route, les conversations absurdes. On sent une énorme tendresse
sous sa carapace d’ours mal léché.
Pas exactement une comédie hilarante, pas non plus une propagande
touristique pour la Belgique profonde, juste une peinture pleine d’expression
d’une poignée de désespérés de la
vie, d’artistes de la mélancolie.