Costa-Gavras est un réalisateur
ayant plus d’un tour dans son sac. Après quelques grandes
oeuvres historiques et/ou politiques (Z, L’aveu, Missing), il
semble comprendre que les films engagés ont de plus en plus
de difficultés à se monter, et trouvent de moins en
moins leur public. Il choisit donc maintenant des voies détournées
pour évoquer et dénoncer ce qui le choque : le thriller
pour montrer où peut mener le système économique
mondial (Le couperet), et dans cet Eden à l’ouest, la
fable tragico-burlesque pour suivre le destin d’un immigré
clandestin. Le personnage principal, presque muet, ne parvenant (presque)
jamais à parler sa langue d’origine, écarquillant
les yeux face au spectacle de la société aisée,
fait penser au plus célèbre vagabond des années
30… La mise en scène et le scénario font s’enchaîner
les événements sans temps mort, en privilégiant
le registre de la comédie pour les transitions : même
si elles ne font pas toujours rire, même si elles ont parfois
le goût acre de la tragédie, les péripéties
qui s’enclenchent comme dans un grand mécanisme implacable,
s’apparentent autant par le rythme que par l’histoire,
aux épopées tragiques et drôles des héros
joués et mis en scène par Chaplin. Pris pour un autre,
engagé comme acolyte d’un spectacle d’illusion,
changeant de costume, s’échappant en laissant sa veste
dans les mains de ses poursuivants, observant le monde des riches
avec émerveillement et naïveté, finissant sa course
dans l’illusion du merveilleux, on pourrait ainsi multiplier
à l’infini tous les points de convergence…
Costa-Gavras a donc la volonté de nous parler de l’horreur
du monde tout en essayant de nous divertir : il n’y parvient
pas toujours, le cheminement de son héros se perd parfois entre
d’une part la caricature et l’outrance et d’autre
part l’ambition d’ancrer les faits dans la réalité.
Mais qu’importe, il sait attraper le spectateur et lui parler
des choses graves sans ennui.