Après le diptyque sur la bataille d’Iowa, Clint Eastwood,
revient à ce qu’il sait le mieux faire : raconter une
histoire classique, remplie de sentiments, avec des personnages vertueux,
dotés d’un sens de l’honneur plutôt aigu.
Cet "échange" se devait d’être dans la
même veine que "la route de Madison", ou bien "Million
Dollar baby", ou encore "Mystic river", les trois chefs
d’œuvre du vieux maître. Malheureusement, il y a
comme un manque d’enjeu, quelque chose qui fait qu’on
s’ennuie un peu ; discrètement au fond de son siège
on pense à sa liste de courses…
Pas de désespoir et de nostalgie d’un avenir impossible
comme dans Madison, pas de flamboyance ni d’ambiguïté
des sentiments comme dans la terrible et triste histoire de Mo Cuishle,
la boxeuse illuminée par le regard de son entraîneur,
pas non plus la noirceur sublime des rapports humains débouchant
sur la tragédie dans les rues de Boston. Juste une histoire,
véridique peut-être mais tellement énorme qu’on
a parfois du mal à croire, juste un récit très
propre, ultra classique, sans failles, très américain
sans ironie, sans recul.
Bien sûr, c’est superbement filmé, éclairé
comme il faut, joué à la perfection par une Angelina
Jolie qu’on n’avait jamais vue ainsi (et qu’on ne
reverra sans doute jamais aussi bien dirigée… un petit
oscar à la clé ?). D’où vient alors cette
impression mitigée ? La dénonciation de la corruption,
bien qu’encore actuelle, manque de mordant, elle est à
la fois trop présente pour qu’on l’ignore, et pas
assez engagée pour qu’on y adhère. Reste alors
le portrait d’une femme extraordinairement digne, qui n’accepte
aucune compromission, sans faiblesses, sans défauts ou presque.
Cela pourrait être suffisant pour attacher le spectateur : on
a tout de même un peu de mal à s’identifier à
une telle perfection… Et puis le personnage qui s’oppose,
le flic voulant préserver l’ordre établi, paraît
vraiment trop borné, et du coup pas très crédible.
Au final, on est rassuré sur les facultés de Clint pour
ce qui est de mener un récit à son terme avec clarté
et panache, on est un peu déçu de l’aspect lisse
et presque impersonnel de l’ensemble.
