Almodovar vieillit, se bonifie-t-il
? L’avenir le dira, pour le moment et pour ce film, il se
penche sur les tracas de l’âge qui augmente, et en accompagnement
non désiré mais à peu près inévitable,
les douleurs qui vont avec, petites ou grandes, douleurs du corps
et de l’esprit, du cœur et de l’âme... comme
disait Brel, mourir, la belle affaire, mais vieillir...
Soit donc un réalisateur vieillissant, une sorte de double
d’Almodovar lui-même, triste de la vie qu’il mène,
qui entreprend, plus ou moins malgré lui, une introspection
mémorielle de ce qu’il fût, remontant jusqu’à
l’enfance en passant par quelques moments de gloire, réussite
artistique et extase amoureuse. Peu à peu, le récit
se scinde en deux, d’une part une évocation plutôt
touchante d’une enfance aux couleurs claires, avec une mère
qui a les traits de Penélope Cruz (on peut difficilement
rêver mieux) et beaucoup de vivacité intellectuelle.
Il y a pas mal de fraîcheur dans cette histoire-là,
et aussi de l’ambiguïté, du mystère, avec
un père très peu présent et un fantasme sexuel
en la personne d’un jeune homme qui vient repeindre les murs
de la caverne familiale. On imagine ce qu’un réalisateur
comme Almodovar aurait fait de ces personnages, un tourbillon trouble
et enthousiasmant... Gloups, mais c’est Almodovar le réalisateur
! où est donc passée son ingéniosité
irrévérencieuse ? Les personnages sont esquissés,
puis légèrement confrontés les uns aux autres,
mais tout reste assez superficiel. En effet et malheureusement,
le maître espagnol semble s’être bien plus intéressé
au présent de son personnage principal qu’à
son enfance. Et ce présent est nombriliste, geignard, sans
énergie, d’une nostalgie sombre et sans charme malgré
le grand renfort de couleurs vives, véritable signature du
réalisateur, et finalement assez peu relié à
ce que raconte l’évocation de l’enfance. Presque
deux heures pour dire que le désir est né d’une
vision inattendue, et presque deux heures de consultations médicales,
d’atermoiements capricieux, d’addiction à l’héroïne,
le tout nimbé d’une musique qu’on croit avoir
entendue des dizaines de fois (Iglesias de film en film semble ressortir
à peu près toujours la même partition...). Aucune
outrance, aucun déchirement, aucune peur, tout cela est au
final un peu ennuyeux, chichiteux, paresseux...