Duras, c'est une sorte de monument
de la culture, pas touche à Duras, pas le droit d'en dire
du mal… Un peu comme Mozart. Je n'aime pas la musique de Mozart.
Bien que… oui, c'est sûr, il y a des belles choses.
Et Duras ? En vérité, je ne connais pas son œuvre.
Ai-je au moins lu un de ses livres jusqu'au bout ? Si oui, cela
ne m'a pas marqué. Je me souviens avoir vu, il y a longtemps
La Musica (il semble que ce soit la Musica deuxième),
avec Fanny Ardant et Niels Arestrup dans un théâtre
parisien. J'avais trouvé le propos un peu vain mais la langue
plutôt belle. Faut-il être en analyse, avoir quarante
ans passés et avoir connu des histoires d'amour douloureuses
pour apprécier ses écrits ?
Emmanuel Finkiel, qui fabrique un cinéma sensible, délicat
et pourtant parfois d'une grande force, adapte ici un roman de la
femme de lettres, La douleur, récit de l'attente
par Duras du retour de son mari, déporté en juin 1944
et qui revient très affaibli. Bien sûr, le film (le
roman aussi, on imagine) n'est pas une succession de faits, un récit
précis de cette période. Il y a des évènements,
des tournants, des ruptures, mais il y a aussi pas mal de flous,
de non-dits, d'impressions, de rêveries. On entend la voix
intérieure de Marguerite, ses pensées, toute l'ambiguïté
de ses relations avec un flic collabo qui l'aide à retrouver
(ou pas) son mari, avec un ami qui est aussi son amant et deviendra
plus tard son mari lorsqu'elle aura divorcé (présences
impressionnantes de Magimel et Biolay). Tout cela est très
élégant, très détaché, les couleurs
pastel dominent, on se demande si la douleur est celle d'une femme
qui attend ou bien celle d'une femme qui ne sait pas ce qu'elle
attend, ou bien encore la douleur d'une femme qui ne sait pas vraiment
pourquoi elle souffre. C'est légèrement ennuyeux,
tout de même, et malgré l'implication évidente
de Mélanie Thierry dans le rôle, le personnage de Marguerite
n'est absolument pas attachant, il ne fait naître aucune émotion.