Ah… voici un film qui fait
un bien fou !
Bancal, parfois mal fabriqué, avec une fin hésitante,
mais tout cela on s'en moque, au regard du plaisir que l'ensemble
procure.
Plaisir donné par la forme, d'abord. Malgré le manque
de moyens (revendiqué, porté comme un étendard),
le récit ne cherche pas la simplicité. Trois histoires
s'entremêlent, se frôlent, se répondent, jouent
avec les retours en arrière sans livrer toutes les clés,
en laissant quelques zones d'ombre. Tout est filmé avec une
caméra très mobile, sans éclairage d'appoint,
en décors naturels. Mais ce n'est pas pour cela que les cadrages
sont négligés pour autant : les images parfois floues
et les compositions parfois très recherchées donnent
une impression de proximité, comme si le spectateur faisait
partie de la scène, mais c'est aussi du plaisir pour les yeux
et l'émotion du regard, autant sur les objets que sur les visages
et les corps. On sent une grande liberté de mouvement, d'expression,
tout paraît possible, c'est à la fois la vie telle qu'elle
est, et une bouffée d'air créatrice.
Plaisir de ce qu'on entend, de ce qui est dit, suggéré,
clamé, murmuré. Le désir bien sûr, c'est
le sujet principal. Comment est-ce que ça fonctionné,
comment se déclenche-t-il, pourquoi lui, pourquoi elle…
Aucune réponse n'est donnée, c'est au spectateur, en
fonction de ses propres expériences, de se faire sa propre
idée, au vu de ce qu'on lui montre, à l'écoute
des uns et des autres, pleins de contradictions, de doutes, d'hésitations,
de décisions soudaines, de regrets et de hontes, mais aussi
de bonheurs intenses. Le désir donc, mais pas que. L'amour
aussi, c'est indissociable. Et puis les croyances, quelque chose à
voir avec la religion. C'est un peu le point faible du film, cette
sorte de valse hésitante entre agnosticisme et révélation.
Et tellement loin du désir…
Plaisir enfin donné par l'histoire du tournage, sans aucun
moyen, avec cent cinquante euros, et juste une énergie formidable,
qui ferait presque croire que tout est encore possible au pays de
l'industrie du cinéma. On peut se demander ce que fera le réalisateur
avec un budget conséquent, puisque le succès remporté
par ce film lui ouvre les portes d'une production confortable. La
restriction des moyens et les contraintes obligent parfois à
inventer des solutions, un moyen d'expression inédit. Mais
ce sera une autre histoire. En attendant, on peut passer à
côté de cette œuvre originale et d'une créativité
rageuse. Ce serait dommage.