Disgrace *

Steve Jacobs

L'histoire

Un professeur de poésie romantique s'installe chez sa fille, sur la côte Est de l'Afrique du Sud après avoir entretenu une relation avec l'une des ses étudiantes.

Avec

John Malkovich, Jessica Haines, Eriq Ebouaney, Antoinette Engel

Sorti

le 3 février 2010

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Complexité salutaire

 

 

 

 

 

 

 

 

Difficile d’occulter, à la vision de cette adaptation d’un roman du prix Nobel sud-africain de littérature J.M. Coetzee, l’autre film récent se passant dans le même pays, Invictus, de Clint Eastwood. Là où ce dernier créait un bel écran de fumée pour masquer la complexité d’une possible paix entre les différentes communautés, Disgrace au contraire montre combien il peut être douloureux de simplement accepter l’idée d’une réconciliation. Du coup, le récit est parfois pénible, n’évitant pas d’aborder des problèmes enfouis, en réveillant d’autres, pour finalement ne pas donner de solutions qui paraîtraient, dans un tel contexte, simplistes ou trop consensuelles pour être plausibles.
On sort de la projection un peu choqué, plus par les questions en suspens que par les images qui à aucun moment ne versent dans le voyeurisme. Le viol, élément central du récit, n’est pas montré, il n’en est que plus important dans tout ce qui suit. Pourquoi Lucy s’obstine-t-elle à rester dans ce pays, qu’en est-il de la responsabilité de Petrus dans l’agression, quel est le degré de sincérité de David lorsqu’il rend visite à la famille de l’étudiante, toutes ces interrogations n’ont pas forcément de réponses, elles ouvrent au contraire d’autres abîmes, plus vastes, qui tendent à dépasser le cadre seul de l’Afrique du Sud post- apartheid…
Ainsi, l’idée que le personnage principal se fait des femmes en général, pourrait être observée dans d’autres contrées, dans d’autres cultures, avec un mépris semblable, doublé d’un sentiment d’impunité effarant.
John Malkovich apporte au personnage toute son ambiguïté, on peut le haïr et l’instant d’après adhérer à son cynisme, à sa lucidité, puis à nouveau s’interroger sur son incapacité à être un père pour sa fille, sur cette incompréhension dramatique. Son point de vue est celui du spectateur, les deux autres personnages, autant Lucy sa fille que Petrus l’énigmatique voisin, restent mystérieux dans leurs aspirations, leurs décisions.
Invictus donnait l’impression finale que tout allait bien dans le meilleur des mondes, que le père de tout un peuple (Mandela) avait gommé tous les problèmes simplement en s’intéressant au rugby, ce film réalisé par un australien (il n’y a donc pas de cinéma sud-africain ?) remet les choses à leur place : certes la réconciliation est en marche, mais le chemin est terriblement tortueux, et il faudra sans doute bien plus que le temps d’une génération pour parvenir à une quelconque sérénité.

 

 

 

 

 

 

Vos commentaires pour ce film

« disgrace »
titre en anglais donc pas d’accent ! et pas le même sens non plus…
Je suis sortie remuée par ce film, comme Alain je trouve qu’il n’a rien du consensuel « invictus » (que j’ai beaucoup aimé par ailleurs) mais il mérite vraiment le déplacement. On avait du mal à parler tout de suite en sortant, ce n’est pas un film anodin.
Bon c’est vrai j’ai un gros gros faible pour Malkovich et ici il nous montre toute sa palette, séduisant, inquiétant, insuffisant, énervant… édifiant aussi dans son rôle de prof qui profite de son statut pour séduire une étudiante métisse et de père pas trop à la hauteur. Je me suis posée pas mal de questions, pourquoi sa fille ne veut pas quitter cette région « de merde » où elle subit une vie plus que difficile et un viol qui semble être une suite logique de ce choix qu’elle a fait, car elle a choisi de s’installer dans cette région. Tout le film en fait oscille entre ce qui est subi et ce qui est choisi, pour chacun des personnages on sent des fêlures, des non-dits, on ignore le contexte de toutes leurs histoires, on comprend ou on sent que le contexte politique et social est essentiel mais difficile pour nous petits français d’en saisir les tenants et les aboutissants.
Alors moi j’ai voulu savoir et j’ai acheté le livre de John Maxwell Coetzee, je voulais savoir s’il y avait des réponses à mes questions, eh bien même si je ne l’ai pas encore fini, je peux vous dire que le film est absolument fidèle au livre, il se lit aussi intensément que j’ai suivi le film. Pour un prix nobel de littérature j’avais un peu peur que le style soit trop ampoulé ou complexe pour moi mais pas du tout.
Je ne sais pas si en avançant dans ma lecture, je comprendrais mieux ce prof, sa fille mais j’aurai vécu un beau et riche moment de cinéma et sans doute des émotions à la fois semblables et différentes au cours de ma lecture.
Merci Mr Coetzee et Mr Jacobs …et aussi à John Malkowich (j’l’adore)

Isabelle M., le 28 février 2010

 

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