La figure du trio amoureux est
un grand classique au cinéma, de "Sérénade
à trois" à "Jules et Jim", en passant
par "Gazon maudit".... Le scénario n'apporte aucune
variation notable, aucune péripétie inédite.
L'originalité du film tient en ses interprètes, tous
les trois excellents (même Louis Garrel) et dans les ruptures
de ton, de rythme, de registres. Parfois franche comédie,
avec des situations abracadabrantes tant l'enchainement des faits
semble inéluctable et pourtant absurde; parfois récit
pathétique, le dépit amoureux déclenchant des
attitudes désespérées et souvent irrattrapables...
Et puis les deux registres s'emmêlent, communiquent l'un avec
l'autre, se déséquilibrent mutuellement, cela pourrait
être sans fin. On sent Louis Garrel, en tant que réalisateur,
plutôt fin connaisseur du sujet, laissant filtrer quelques
références, parfois poseur, se regardant filmer comme
aux plus beaux jours de la Nouvelle Vague (ne manque que le noir
et blanc). Au bout du compte, ce qui est dit sur l'Amitié
est sans doute plus intéressant que ce qui est montré
de l'Amour, le discours est plus radical et la relation entre les
deux hommes (pas tout à fait hommes, d'ailleurs : plutôt
vieux adolescents, clowns tristes, menteurs pitoyables…) est
tellement empreinte de dissimulations, de déclarations contradictoires,
de petites trahisons et d'émotions exacerbées qu'elle
pourrait correspondre à une liaison amoureuse…(Oups,
sympathique, la vision du critique sur l'Amour...)
Cependant, tout cela reste au stade de l'exercice de style, d'une
énième variation sur les sentiments et de leur observation
un peu superficielle. Pas déplaisant, parfois drôle,
parfois rasoir, le film se laisse voir mais ne laisse pas de souvenirs
impérissables.