Hélène, Babouillec,
cette femme n'est pas une personne comme les autres. Et de loin.
Diagnostiquée "autiste", elle ne dit rien, ne manifeste
rien pendant toute son enfance et une grande partie de son adolescence.
Elle ne parle pas, ne sait pas qu'elle a un corps, ne communique
pas…
Tout cela, on le sait par sa mère, qui raconte sa fille…
Et puis nous la voyons, elle, Hélène, Babouillec,
autiste donc puisqu'il est dit qu'elle l'est, trente ans maintenant
et toujours un visage d'enfant, elle rigole, elle ne parle toujours
pas, elle écoute, elle ne paraît ni entendre ni comprendre
et puis elle écrit, avec des lettres en plastiques qu'elle
pose sur une planchette, sur une feuille, sur une table, qu'importe.
Sa mère est là, écarte les lettres, dit les
mots constitués par sa fille, les phrases sont énoncées
et c'est surprenant, effarant, déstabilisant : le propos
est complexe, poétique, philosophique, dans la salle il y
a un festival de bouches bées… Comment cela est-il
possible ? Est-ce un tour de passe-passe ? Le montage nous cache-t-il
quelque chose ? Non, il faut se rendre à l'évidence,
cette femme n'a rien que vous connaissiez déjà. Entre
autiste et artiste, il n'y a qu'une lettre de différence,
Hélène-Babouillec la franchit allègrement.
Julie Bertuccelli, la réalisatrice, suit celle qui bouleverse
nos certitudes, ici avec une troupe de théâtre qui
a choisi de monter l'une de ses œuvres, là avec un mathématicien
qui dialogue avec elle et leur échange peut en scotcher plus
d'un, on la voit aussi avec une toute petite fille qui semble beaucoup
plus adulte qu'elle, et (presque) toujours avec sa mère à
qui on devrait décerner le César du don de soi.
Le documentaire a quelque chose d'un peu brouillon, ressemble parfois
à une esquisse de quelque chose qui n'aurait pas vu le jour,
s'égare, révèle des instants complètement
magiques, entre en résonnance avec son sujet de façon
étonnante, fragile, désordonné, fulgurant soudain,
questionnant la rationalité du spectateur…
Le Cosmos, à la fin du film, n'a pas livré tous ses
secrets, on peut se retrouver partagé entre d'une part l'envie
d'en savoir plus, de comprendre comment le cerveau d'Hélène
fonctionne, et d'autre part une impression nébuleuse d'être
entré en communication avec quelqu'un venant d'un autre monde.