Ridley Scott, en parfait connaisseur
des rouages hollywoodiens, a dû se dire qu'il fallait faire
un film qui donnerait la parole aux femmes, qui montrerait comment
elles indignement traitées par les hommes et qui raconterait
un cheminement de l'une d'entre elles vers l'indépendance.
Est-il tombé par hasard sur cette histoire de duel au Moyen-Âge
entre deux hommes dont l'un accuse l'autre de viol de son épouse
? Ou a-t-il brodé suffisamment autour d'un fait divers pour
que tout soit conforme à la pensée dominante actuelle
? Toujours est-il que son film est tout à fait politiquement
correct et très prévisible : une fois compris le principe
de narration (les mêmes faits vus par les trois protagonistes,
exposés l'un après l'autre), on comprend très
vite que le dernier chapitre, la vérité de la femme,
sera celui qui raconte LA vérité, excluant de fait
toute ambiguïté, toute zone d'ombre, présentant
les deux hommes comme des prédateurs en forme de clichés
sur pattes : d'un côté le mari brutal et peu raffiné,
n'ayant aucune délicatesse ni sensibilité, roulant
pour sa pomme et son honneur, et d'un autre côté, le
charmeur un peu lâche mais cultivé, forcément
pervers et aux mœurs dissolus. La femme quant à elle,
est digne, vertueuse et courageuse. Tout cela est beaucoup trop
simple et didactique pour être crédible. Et puis le
Moyen-Âge qui nous est montré est celui d'une historiographie
révolue, les châteaux sont relookés façon
Violet le Duc tendance Disney, on a l'impression que le ménage
vient d'être fait partout dans les intérieurs incroyablement
lumineux et vastes comme des salons de la Renaissance, les scènes
de combat sont bien sûrs ultra violentes, les hommes se prennent
des torgnoles phénoménales mais reviennent de la guerre
debout et finalement en assez bon état (à part des
traces de boue et quelques cicatrices justifiant probablement un
budget maquillage assez conséquent). Ce n'est pas le Moyen-Âge,
c'est une imagerie du Moyen-Âge datant de la fin du 19ème
siècle. Et pour couronner le tout, les dialogues et situations
ressemblent bien trop à ce qui pourrait se passer de nos
jours, et que l'on aurait juste décalé de quelques
siècles, de la petite réception autour d'un nouveau-né
avec son banquet aux apparences de cocktail, à la partie
fine distinguée et immonde, en passant par les querelles
de couple presque contemporaines. C'est plaqué, et fait sans
finesse. Question subtilité, c'est le néant.
Il reste de bien belles images, une tension palpable et les deux
heures et demie passent assez vite. Ouf, on a échappé
à l'ennui.