Le réalisateur a-t-il
voulu donner quelques nouvelles de l'Argentine ? Ou bien le propos
est-il plus universel et on pourrait alors parler des choix de vie,
de la décroissance, du rôle de l'argent ? Cinématographiquement,
il y a aussi une succession de genres différents, comme si
Moreno avait voulu se frotter à plusieurs styles, plusieurs
ambiances. Le tout en un peu plus de trois heures, qui ne passent
pas trop mal, quoique, il y a tout de même quelques longueurs,
quelques redites. Des surprises, il y en a. A n'importe quel instant
du film, le spectateur serait bien en peine de prévoir ou
d'imaginer le reste du récit, tant celui-ci est tortueux,
plein de zones d'ombre qui s'éclairent par la suite, ou pas.
Le double point de vue est intéressant en ce qui concerne
la narration, un peu moins pour ce qui est du message, s'il y a
message : les deux personnages principaux (deux hommes sensiblement
du même âge et de la même classe sociale) ne s'opposent
pas et vivent peu ou prou le même cheminement moral et psychologique,
plein de circonvolutions. Les autres protagonistes, importants ou
secondaires, essentiellement des femmes, semblent moins torturées.
Le film pose beaucoup de questions, et fait aussi que le spectateur
est obligé de combler des vides, d'imaginer des pourquoi
et des comment et d'y répondre, éventuellement. C'est
bien loin d'être inintéressant, c'est fort singulier,
on se croirait parfois dans un Almodovar ou dans un univers à
la Borges ou Cortázar, et puis on repère des références
à Bresson (L'Argent) ou à Melville. C'est
dire si l'on peut être dérouté. A conseiller
pour qui s'intéresse au cinéma et ne craint pas d'être
déboussolé, moins à ceux qui recherchent du
divertissement dans les films.