Jean-Marc Moutout revient sur
un univers qu'il connaît bien, celui de l'entreprise et de la
violence des échanges qui s'y produisent. Après l'usine
qui fabriquait du réel dans son premier film, c'est dans une
banque que se noue le drame qui éclate un jour, "de bon
matin". Le travail repose sur du virtuel, et il est frappant
que les seuls billets que l'on nous donne à voir servent à
acheter ce qui va faire exploser l'aspect jusqu'alors (presque) feutré
des relations entre le banquier qui se voudrait humaniste et ses supérieurs.
Avec une mise en scène très précise, très
maîtrisée, parfois trop, le réalisateur installe
une ambiance froide, impitoyable. Il joue avec la lenteur, les teintes
grises, l'impassibilité feinte des personnages. Parfois le
récit se perd un peu en voulant sortir du milieu de l'entreprise;
les scènes familiales manquent de profondeur, un peu anecdotiques,
hésitant entre une sorte de mystère pas nécessaire
et une description aux limites du cliché. Mais lorsque l'on
revient dans les bureaux, derrière les ordinateurs qui ne préservent
aucune intimité dans ces "open space", la tension
est palpable et c'est bien là que se développent l'engrenage
fatal et la montée de la haine.
Jean-Pierre Darroussin est étonnant dans ce rôle à
contre-emploi, loin de ses interprétations débonnaires
et prêtant à sourire. Il est ici comme une masse, avec
un physique lourd, imposant.
L'image finale est comme un questionnement au spectateur, et maintenant,
que fait-on ? La solution trouvée par le personnage joué
par Darroussin n'est évidemment pas la bonne, parce qu'elle
est dictée par la folie. Mais alors, la soumission est-elle
inéluctable ?