Plus de vingt ans sans caméra,
forcément ca doit être frustrant. Alors quand on peut
s'y remettre, on s'éclate. Et Jodorowsky, le réalisateur
aux multiples talents, y est allé à fond. Les couleurs,
le son, l'image, la provocation, les scènes choquantes, la
démesure des personnages et des situations, tout est au maximum
sur les curseurs de l'outrance.
Totalement et furieusement créatif, le film peut dérouter…
vraie fausse chronique autobiographique de l'enfance du réalisateur,
ou amalgame de rêves, de fantasmes et de transfigurations
de la réalité, l'œuvre a de quoi susciter l'enthousiasme
mais au bout du compte, elle peut aussi laisser le spectateur en
dehors de ses visions surréalistes. Trop de tout, de couleurs,
de formes, de bruit, d'évènements… à
la moitié de la projection, on demanderait bien une pause,
ou une accalmie, un sourire délicat ou simplement un peu
de douceur. Le film en manque, cruellement. Bien sûr, le sujet
ne s'y prête pas, les deux parents sont exténuants,
abracadabrants, et tous les autres personnages ont eux aussi leur
part d'extravagance et d'agressivité.
Dans ce déluge décoratif et émotionnel, on
peut y voir une grande part fellinienne, une louchée de Kusturica
et un peu de Garcia Marquez (pas le même mode d'expression,
mais la même énergie dévastatrice). Tant de
talents, de références et d'inventivité n'embarquent
pas obligatoirement le spectateur.