C'est un drôle de blues
que nous raconte Pierre Salvadori, film après film. L'art
de faire d'une dépression, une comédie. Dans la cour,
il s'en passe, des choses, des pas tristes et des franchement mélancoliques.
Le rire éclate, souvent. Même s'il est suivi de quelques
larmes…
Gustave Kerven, dont c'est le premier vrai premier rôle, impose
sa silhouette d'ours inoffensif, de grand déprimé
en sursis. Dans n'importe quel autre film (ou presque), il redonnerait
à son insu le goût de la vie à tous les habitants
de l'immeuble, il rencontrerait l'amour, et tout le monde serait
content… Ici, pas de conte de fée, on est dans la vraie
vie, mais pas tout à fait. Le fond est sombre, désespéré.
Les bobos, attendus au vu du quartier où cela se passe, n'arrivent
jamais. Pas un seul personnage ne va vraiment bien, et pourtant…
Pourtant ce n'est pas un film sombre, il est éclairé
de l'intérieur par la dérision, par l'intuition que
le bonheur est une illusion et que malgré cela, la vie peut
valoir le coup, de petites hontes en petits plaisirs, de rencontres
bancales en superbes solitudes.
Catherine Deneuve joue avec l'innocence d'une débutante,
et il y a beaucoup d'émotion à voir son personnage
sombrer, descendre de sa prestance. Elle y est très convaincante,
et c'est plutôt rassurant de la voir se tourner vers ce type
de rôle, comme dans "Elle s'en va" : au contraire
de certaines (Huppert, par exemple), elle semble assumer son âge
et la transformation de son corps. On comprend que Salvadori, avec
son humanité et sa tendresse vis à vis de ceux qui
doutent mais qui ne se leurrent pas sur eux-mêmes, ait été
séduit par l'idée de tourner avec elle…
Pas de morale de fin, pas de véritable message d'espoir,
l'ensemble est un patchwork fait de morceaux de vie de quelques
personnages, réunis de façon artificielle (voisinage…)
et qui tente de faire passer le goût âcre de l'existence
quand on n'est pas au mieux…