Faux biopic, véritable
interrogation sur ce qu'est une démarche artistique, prouesse
technique, chronique d'une résistance aux aléas de
la vie, ce film consacré à Loïe Fuller peut se
voir de multiples façons et c'est tant mieux, parce que la
seule reconstitution historique d'un destin certes étonnant
mais, après renseignement pris, trop éloigné
de la réalité sur certains aspects, n'aurait pas suffi
à emporter le spectateur. Le personnage principal, décrit
comme une innovatrice, et qui pourrait bien avoir apporté
au monde du spectacle plus d'éléments techniques que
véritablement artistiques, est passionnant à plus
d'un titre. Soko lui prête toute sa singularité, à
la fois aérienne et terrienne, les jambes ancrées
dans le sol et les bras évoquant un vol de papillon et bien
plus : un jeu hypnotique de formes mouvantes, allant jusqu'à
l'abstraction. Est-ce une femme, une danseuse, ou bien une illusion,
quelque chose d'un peu irréel, ou bien une sorte de transe
? Cette sorte de rêve que donne à voir l'artiste s'accompagne
de considérations techniques très modernes pour l'époque,
l'artiste est aussi ingénieuse, créatrice d'effets
spéciaux, qui nous paraissent maintenant dépassés,
bien sûr, mais qui au début du vingtième siècle
devaient impressionner les spectateurs. Le film décrit tout
cela, avec emphase, et montre aussi une vie sentimentale confuse,
un certain malaise pour apparaître au naturel face à
ses admirateurs, la volonté d'éveiller des jeunes
filles à la danse… Il est bien difficile de démêler
la pure fiction de ce qui est documenté, mais peu importe,
le personnage tel qu'il est montré a sa propre vérité,
il est crédible. En revanche, lorsqu'apparaît la fille
de Vanessa Paradis en Isadora Duncan, il y a comme une gêne.
Le rapport entre les deux femmes reste flou, entre admiration réciproque,
jalousie, attirance, passage de témoin… le film éclaire
(faiblement) quelques pistes mais semble surtout avoir donné
l'occasion à Lily machin chose de se montrer. Elle est toute
mignonne, mais n'a aucune aura, joue comme une adolescente un peu
trop sûre d'elle. On espère qu'Isadora Duncan avait
un peu plus de présence…
Cette fadeur d'interprétation pour un personnage clé
(la danseuse du titre, ce peut aussi être elle, Isadora) fait
du tort à la dernière partie du film mais l'ensemble
laisse tout de même sur une bonne impression.