Sous ses abords de petit film
un peu intello, cette œuvre de Frédéric Sojcher
surprend et séduit, jusqu'à laisser le spectateur
dans un état émotionnel proche de l'explosion. Le
titre à multiples sens aurait pourtant pu l'alerter. C'est
la vie, la mort, l'amour, exposés avec une fausse simplicité,
ou une complexité en forme de leurre. La master class menée
par le personnage joué par Agnès Jaoui, qui n'a jamais
été aussi intense (quelque chose de Gena Rowlands
?), installe un procédé que l'on pourrait craindre
un peu répétitif, il n'en est rien. C'est d'une intelligence
redoutable et d'une finesse d'analyse (des récits comme des
sentiments) très pertinente. Bien sûr, les amoureux
du cinéma seront sans doute plus touchés que les autres.
Et ceux qui sont tentés par l'écriture, qu'elle soit
celle d'un scénario ou de toute autre forme d'histoire, ont
toutes les chances d'être happés par le propos. Mais
ça n'est pas tout. Il y a quelque chose de bien plus universel
que les discours sur la création. Cela touche aux choix de
vie, aux regrets et aux souvenirs, à la nostalgie. A ce que
l'on fait de nos vies quand le manque d'une personne empêche
d'avancer en toute sérénité. A la façon
dont on tente d'échapper à nos limites, comment on
s'organise avec nos petits arrangements avec les morts et leur immobilité
apparente, avec les vivants et leurs empêchements, leurs sentiments
contradictoires et tout ce bazar qui tourne en nous, nous fait bouger
ou nous tétanise. Les deux personnages principaux vivent
une journée terriblement singulière dans leur existence,
une journée comme il n'en arrive que très peu. Les
autres, la belle sœur et les étudiants, le restaurateur,
en saisissent une petite partie et sont touchés, certains
de façon infime, d'autres profondément. Tout cela
est magnifiquement rendu par une mise en scène qui semble
légère mais qui ose parfois le spectaculaire, l'emphatique,
bien aidée par la musique de Vladimir Cosma. On peut en sortir
bouleversé.