Des centaines d'heures que Julie
Bertucelli a filmées dans cette classe de CLA (Classe d'accueil
pour primo arrivants au sein d'un collège), la réalisatrice
aurait pu probablement en tirer plusieurs films, tant les sujets
abordés sont nombreux et pleins d'interrogations. Entre autres,
la question de l'origine, celle de la différence, du regard
des autres, l'inquiétude face à l'avenir, les confrontations
entre les religions, les raisons des différents exils, l'amitié
possible ou au moins le rapprochement entre des personnes qui n'auraient
jamais pu se rencontrer sans leur émigration,...
Tout cela n'est sans doute qu'effleuré, parfois juste évoqué,
avec pudeur la plupart du temps, mais également avec des
éclats de vie, de colère, de joie aussi, qui peuvent
prendre le spectateur par surprise et lui provoquer des émotions
fortes. Il ne s'agit en aucun cas d'un documentaire de type télévisuel,
informatif, qui exposerait de façon claire et précise
le fonctionnement d'une telle structure d'accueil. On est bien plus
dans le ressenti, dans la volonté de montrer des moments
un peu étonnants, des regards perdus ou bienveillants, d'écouter
la parole de ceux qui apprennent à la manier pour dire des
choses essentielles. On peut en sortir avec la frustration de n'avoir
pas vu comment tout cela s'articule, quel est le travail du professeur
et toutes sortes de questions sans réponses sur le vécu
de ces jeunes. On peut aussi y trouver de multiples raisons d'espérer,
la mixité des origines fait des miracles humains. L'objectif
commun est celui d'apprendre le français, et les échanges
qui se créent naturellement finissent par enrichir les parcours
de chacun, même si pour certains cela passe par de la douleur
et de la colère. On les quitte en fin de projection avec
beaucoup d'émotion, et plutôt le sourire aux lèvres.