Aucun accent chez ces hommes
et femmes vivant dans un petit village sans charme du sud ouest.
Les maisons n'y sont pas très belles, les paysages n'ont
rien de renversant, tout est donc fait pour éviter le pittoresque
et les jolis détails… L'histoire qui s'y déroule
prend un aspect universel, c'est ici le Lot et Garonne, cela pourrait
aussi se passer en Bretagne ou en Bourgogne, qu'importe.
Après un prologue qui montre qu'un meurtre a été
commis, le récit en flashback présente une poignée
de personnages dans leurs activités professionnelles, dans
les relations qu'ils entretiennent. Au début presque anecdotiques,
ces descriptions se font de plus en plus précises, le réalisateur
a l'intelligence de prendre son temps pour faire découvrir
aux spectateurs les amitiés, les méfiances, les incompréhensions…
Tout est formidablement bien vu, le microcosme social d'un village
dans une campagne qui se paupérise et se désertifie
est analysé au scalpel, c'est passionnant à la fois
pour ce qu'on y apprend et aussi pour la montée en tension
du scénario.
Bien sûr, dans cet écheveau savamment tissé,
il y a un fil qui vient tout perturber. Josef est un jeune adulte
qui n'a pas toute sa tête, couvé par une mère
sans doute trop tolérante, dérangeant les braves gens
comme les moins braves. Le film a le mérite de ne pas le
montrer comme une victime, il n'est pas un sympathique simplet,
il peut être terriblement inquiétant et dépasser
les limites de l'acceptable. La façon dont parlent les villageois
de cet intrus dans le bon fonctionnement de cette micro-société
est révélatrice de l'évolution de notre regard
sur le handicap, sans doute aurait-il été mieux entouré
il y a un siècle…mais ce n'est pas certain. Josef est
fasciné par le monde qui l'entoure et dans lequel il ne peut
pas pleinement participer, sa dérive qui conduit finalement
au drame est autant due à l'incompréhension et au
rejet des villageois (rejet parfois légitime, ce qui rend
le film encore plus intéressant) qu'au miroir aux alouettes
de la société de consommation et de paraître…
Certains rouages de l'histoire semblent un peu attendus, les zones
d'ombre volontaires ne sont pas si obscures que ça, et la
fin apporte peut-être trop de solutions aux interrogations
des spectateurs, mais le film est tout de même de haute tenue,
rigoureux, tenace; rôde ici quelque chose de chabrolien, ou
d'hitchcockien…