Au début, on se dit…
qu’est-ce qu’on a aimé Juliette Binoche et voici
ce qu’elle est devenue, et Kiarostami on ne se rappelait plus
combien ça pouvait être ennuyeux… La conférence
sur le faux, l’attrait des copies et toutes ces sortes de choses
est prodigieusement intellectuelle, pénible et sans doute philosophique
(mais je ne suis pas spécialiste) et on se distrait avec le
dialogue muet entre Binoche et son fils (enfin, entre celui qui joue
son fils, et Binoche, et bien on ne saura jamais comment s’appelle
son personnage). Enfin, ils sortent de la conférence et voilà
que s’instaure un échange entre elle (appelons-la "elle")
et son fils, qui est à claquer. Le jeune ado sûr de lui
et déjà terriblement cérébral mais jouant
tout de même avec sa play-machin-game-bidule pendant qu’il
parle avec sa mère. A claquer, je vous dis.
On sortirait bien prendre l’air, il fait beau, c’est une
soirée de fin de printemps…
On reste, pour Binoche, parce que malgré les années
qui passent, son visage est toujours aussi expressif, émouvant
lorsqu’on la sent déstabilisée.
Un peu plus tard, enfin, la rencontre entre elle et le conférencier
est un peu troublante, quelque chose nous dit que ces deux-là
ne sont pas si étrangers l’un pour l’autre. Une
heure passe et on est surpris d’être presque captivé
par leur jeu dont on ne saura pas s’il est véritable,
ou bien juste une copie (conforme ?) de quelque chose qu’ils
auraient vécu, à moins que… On regrette de ne
pas avoir mieux écouté la conférence du début
(mais non, c’était ennuyeux), peut-être nous aurait-elle
donné des pistes. Au fur et à mesure, Binoche est de
plus en plus belle, malgré sa robe qui lui donne un air de
grosse bourgeoise, et le passage au milieu des mariées réjouies
ou inquiètes a des allures d’un film de David Lynch,
on pense que tout peut alors partir en un délire absolument
réjouissant, et on finirait dans un dédale tout à
fait ludique et mystérieux qui parlerait du couple mieux que
bien (et bien mieux que, aussi) des œuvres de cinéastes
éclairés sur ce point. Et puis non, le récit
ne s’emballe pas, il reste à la lisière du dérèglement,
et n’offre au bout du compte que trop peu d’alternatives
à ce que l’on croit comprendre. C’est un peu comme
si Kiarostami nous avait alléchés avec une multitude
de possibilités, et qu’il n’en avait exploré
qu’une seule. Ce n’est déjà pas si mal,
car si l’on se laisse prendre à ce jeu, on échappe
à l’ennui initial.