Julie Delpy tente de casser son
image de jeune femme frêle et douce, en interprétant
le rôle, paraît-il historiquement véridique, d’une
comtesse hongroise du 17ème siècle, se badigeonnant
le visage avec du sang de jeunes vierges, pour que sa peau reste lisse
et fraîche. L’histoire ne dit pas si la méthode
le valait bien, mais il semble que le personnage soit à l’origine
du mythe de Dracula, et même s’il n’y a pas de morsures,
l’actrice réalisatrice productrice compositrice (de la
musique) s’est complu à trancher les chairs et à
faire couler le sang. Elle parvient à garder un équilibre
entre un romantisme sombre et une atmosphère glaciale. La comtesse
est une sorte de monstre mais ceux qui l’entourent, amis ou
ennemis, ne valent guère mieux. Il n’y a que son jeune
amoureux qui échappe à la noirceur des âmes, il
est même tellement innocent et naïf qu’il en devient
fade et on a un peu de peine à comprendre l’amour fou
que lui voue la terrible Elizabeth.
Le casting international, hétéroclite d’une part
et la langue anglaise d’autre part (en Hongrie au 17ème
siècle, tout le monde parle anglais ???) donnent au film un
aspect étrange, artificiel, comme désincarné
malgré les chairs dénudées ou transpercées,
aspect renforcé par une lumière blafarde, des dialogues
très écrits, proches du théâtre classique,
sans la moindre pointe d’humour.
Pour ce qui est de l’image de l’actrice, le trouble est
réussi, Julie Delpy ne passe plus pour un ange de douceur.
Mais le personnage qu’elle a choisi, si ambivalent soit-il,
n’est pas, au fond, très intéressant, ou peut-être
aurait-il nécessité un peu plus de recul, un peu moins
de sérieux.