Avant les colocations à
la mode de nos jours parce que sans doute il y a comme un besoin
de partage plus grand en ces temps d'individualisme (et aussi pour
des raisons économiques évidentes), il y avait, dans
les années 70, les communautés. Urbaines, ou rurales
avec la tentation de l'élevage de moutons dans le Larzac…
dans les deux cas à haute teneur intellectuelle, avec beaucoup
de valeurs humaines, sociales, et où la liberté n'était
pas un vain mot.
La formation de cette Communauté-ci, dans un beau quartier
de Copenhague, laisse présager un récit choral, avec
beaucoup de tendresse dans le regard sur les différents membres
de la bande, réunie pas tout à fait par hasard. Le
film serait un bel hommage à ces quelques rêveurs d'une
vie meilleure, avec des envolées passionnées, des
engueulades homériques, des réconciliations émouvantes,
le plaisir de l'échange, la solidarité… mais
aussi les trahisons, les petits mensonges, les renoncements, la
difficulté à soutenir le regard des autres sur soi-même…
Vinterberg nous fait croire à ce film pendant presque la
moitié… puis dérive, tord le cou à ce
qu'il avait commencé à construire, sème le
doute sur ses intentions, distille une sacrée dose d'amertume
: en racontant la rupture du couple fondateur, le récit passe
d'une chronique haute en couleurs, pleine de joies et de désespoirs,
à une histoire beaucoup plus grise, celle d'une femme délaissée,
qui tente de faire face et tombe, finalement. Cette disgrâce
pourrait n'être qu'une péripétie dans la vie
de la Communauté, elle finit par prendre toute la place,
et rien n'y résiste. L'actrice qui joue la femme rejetée
fait parfois penser à Catherine Deneuve, avec un mélange
de force et de fragilité, une très grande humanité,
crédible jusqu'au bout des ongles.
Le film dans son ensemble, par son effet de bascule, est la marque
d'un terrible échec pour son personnage principal (la femme),
échec personnel, détresse amoureuse, mais aussi l'énorme
désarroi de se rendre compte que la Communauté, son
idée, sa création, celle dont elle est l'âme,
ne fait qu'accentuer le déchirement.