C'est l'histoire d'une rencontre…
comme il y en a tant d'autres, un garçon, une fille, qui
se toisent, apprennent à se connaître… et puis
en fait non, ça n'est pas ça. Ou bien si, mais pas
comme on peut s'y attendre. Le contexte de la rencontre, les caractères
des deux personnages, tout ce qui les éloigne et tout ce
qui finalement les fait se rapprocher, tous ceux qui les observent
de près ou de loin, tout est étonnant, il y a véritablement
quelque chose d'inédit dans ce récit. La faute (ou
la grâce) d'abord aux deux interprètes qui composent
des personnages formidablement attachants et crédibles, parce
qu'ils ont chacun leur part d'étrangeté, on les découvre
non pas les yeux écarquillés (ce serait trop, ce serait
irréel), mais avec une curiosité croissante. Au premier
abord, ils n'ont pas grand chose en commun, l'un est plutôt
doux, gentil, tolérant, n'attend rien de la vie en particulier,
semblant chercher sa voie… l'autre est un bloc d'énergie
concentrée, visage buté, parole sèche et rentre-dedans,
tellement rigide et tellement drôle ! Bien sûr, les
deux personnages vont évoluer en se côtoyant mais ce
point de départ, cette juxtaposition de deux éléments
si opposés, est un formidable moteur de comédie, et
pour le spectateur, une source abondante d'étonnements, de
sourires béats et de gorges serrées : l'émotion
affleure sans jamais toutefois envahir le récit, la réalisation
maintient un rythme soutenu, une énergie réjouissante,
des contrastes surprenants : une douce contemplation peut succéder
à un échange verbal percutant… Et puis il y
a Adèle Haenel, l'âme du film, qui lui donne son caractère,
sensuelle même en treillis, regard de braise, des mots jetés
comme des couteaux, et tout au fond, s'ouvrant parfois avec une
douceur émue, un sourire d'enfant… En état de
grâce, la belle Adèle.