Le film ne raconte pas la vie de l’amuseur public n° 1,
de l’aube de son succès à sa mort accidentelle.
C’est juste le récit d’une année ou presque,
de septembre 80 à mai 81, l’histoire d’une candidature
à la présidence de la République, qui a bien
failli aller jusqu’au bout. Le champ reste libre donc pour celui
qui voudrait produire une biopic complète de cet homme…
A priori, il était séduisant de montrer un personnage
extrêmement populaire à une période de sa vie
remplie de doutes et d’ambiguïtés, mais cela représentait
aussi un pari risqué : impossible de calquer les bonnes vieilles
recettes inhérentes aux films présentant une vedette
du showbiz : les débuts timides, le succès qui vient
peu à peu, avec tous ses à-côtés incontournables,
addictions et relations séduisantes mais superficielles, etc.
Antoine de Caunes a donc été obligé de se passer
de toute cette panoplie facile pour se concentrer sur son sujet :
un homme se faisant dépasser par l’ampleur d’un
phénomène qu’il a lui-même créé.
Sans être une franche réussite, le film ne se défend
pas si mal, porté d’abord par François-Xavier
Demaison, qui donne une version très crédible d’un
Coluche contrasté, amuseur jusqu’au bout des ongles,
même dans sa vie privée, mais aussi tourmenté,
en proie aux doutes. La reconstitution (historique !) du début
des années 80 est plutôt étonnante, sans fausses
notes et relativement discrète. Les interrogations, bien posées,
interpellent le spectateur et peuvent trouver des parallèles
avec notre époque : les politiques se préoccupent-ils
vraiment de leurs concitoyens, le slogan de Coluche "un pour
tous, tous pourris" n’est-il pas réducteur et une
fois le constat réalisé, que fait-on ?
Le mérite du film est de montrer que sur le moment, ce sont
autant les menaces de mort que le sentiment d’impuissance face
à la détresse des gens qui ont fait reculer Coluche.
Le scénario n’en fait donc pas un héros sans peur
et sans reproche, bien au contraire. Et l’impression de ne pouvoir
répondre que par la farce à des problèmes profonds
a fait que, quelques années plus tard, l’humoriste a
créé ses "restos du cœur". On imagine
aisément une suite sur cette initiative, avec une overdose
de pathos et de bons sentiments, suivie de la mort du héros
: de Caunes a le bon goût de s’arrêter bien avant.
Bien sûr, la mise en scène est un peu fade, il n’y
a pas là œuvre de création, juste une sage illustration.
Pas de quoi verser l’opprobre, ni encenser démesurément.