Comme le dit un personnage, il
n’y a que dans les films américains que les histoires
finissent bien. Celui-ci est israélien et il a le très
grand mérite de rendre compte de la complexité du conflit
au proche-Orient, et ce sans un seul coup de feu. Ce ne sont pas les
méchants oppresseurs contre les pauvres opprimés, le
scénario évite soigneusement tout côté
démonstratif et pourtant la situation est exemplaire : une
poignée de citronniers menace la sécurité d’un
état, il faut donc les abattre, même si ces arbres représentent
une histoire familiale et qu’aucun dédommagement ne saurait
les remplacer, sentimentalement parlant.
Deux personnages symbolisent la réalité du terrain,
tout en parvenant à s’écarter des schémas
simplistes, avec des évolutions parallèles tout à
fait intéressantes. Salma Zidane (!), la propriétaire
des citronniers, lasse, grise, plus ombre que femme, "ayant eu
sa part de chagrin", gagne en fierté et en beauté
au fur et à mesure de l’avancée de son combat,
alors qu’il est jugé dérisoire et vain par tout
le monde, y compris dans sa propre communauté. En face, la
femme du ministre menacé par la présence de la plantation,
prend conscience peu à peu de l’importance de ces arbres
pour sa propriétaire. On la sent au début légère
et un peu dédaigneuse, regrettant seulement "de ne pas
être une meilleure voisine" pour Salma, puis son regard
change et, sans aller jusqu’à l’empathie, montre
plutôt finement qu’une partie des Israéliens est
favorable au dialogue, tentant de comprendre tout ce qui rattache
les Palestiniens à leur terre.
Le scénario et la mise en scène restent toujours très
dignes, pas de pathos, pas d’émotions faciles. Cette
âpreté est parfois difficile à avaler, la beauté
est aride et se cache à l’intérieur du récit
plus que dans les images, les quelques instants de poésie et
d’onirisme ultra-léger sont les bienvenus, mais très
rares.
Un beau film amer et sec qui parvient à rendre compte de situations
complexes avec une grande économie de moyens.