Le clown Chocolat est un personnage
passionnant, sorti des oubliettes du temps qui passe, vedette noire
du monde du spectacle, à une époque où la mixité
des origines n'était pas de mise (même si de nos jours,
elle n'est pas encore tout à fait réelle, il y a eu
des progrès…). Il devint célèbre particulièrement
par la grâce du duo qu'il formait avec un autre clown, Footitt.
Le film de Roschdy Zem se tient, il déroule un récit
construit, sans surprises, passant par quelques moments forts quoique
très attendus : le premier numéro des deux clowns,
pour ne citer que celui-ci, entretient un faux suspense : on sait
par avance, malgré les creux, les hésitations et les
approximations, que le succès sera au rendez-vous. C'est
du cinéma descriptif, où la mise en scène est
au service d'une histoire édifiante.
On pourrait donc s'attendre à ce que cette histoire soit
porteuse et traite tout à la fois : les marches de la gloire
et de la déchéance, l'ambiguïté de la
relation entre les deux clowns autant sur scène que dans
la coulisse, les femmes qui l'entourent et qui l'aiment.
Roschdy Zem a volontairement pris des
libertés par rapport à la réalité.
Ces écarts modifient certains aspects de la vie des personnages
de façon tellement énorme qu'ils en deviennent douteux.
Ils simplifient les personnages, rendent l'ascension du clown Chocolat
encore plus dépendante de son acolyte Foottit, inventent
une amitié entre les deux hommes alors qu'il semble que Foottit
était très jaloux du succès de son comparse,
font de la femme avec qui il va partager sa vie (Marie Hecquet)
une veuve alors qu'elle a eu le courage, à une époque
où cela était impensable, de divorcer pour vivre avec
un homme noir, créent de toutes pièces l'échec
d'Othello et les violences policières subies par l'artiste.
Pourquoi avoir tordu le cou à ces réalités-là
? On pourrait l'admettre si les qualités artistiques du film
en faisaient une œuvre véritablement personnelle, mais
ce n'est finalement qu'un biopic un peu fade et frelaté.
Les acteurs ne rattrapent pas la sauce, James Thierrée a
quelques numéros assez étonnants mais en dehors de
la piste, il fait surtout l'homme mécontent de tout et cela
finit par lasser. Omar Sy est convaincant dans les scènes
drôles, beaucoup moins sur la fin, son agonie pathétique
frôle la parodie involontaire.