Incontestablement,
c'est un film "politique". Et ce type de film ne se fabrique
pas sur une volonté créatrice, sur une envie de cinéma
mais bien sur une idée, un message. Il est destiné
à un public plus ou moins choisi, on ne vient pas voir ce
film pour admirer la mise en scène, mais pour entendre une
mise en garde, découvrir une dénonciation. Le FN (bien
sûr, ce parti n'est pas nommé, mais tout le monde l'aura
reconnu, jusqu'aux traits de sa présidente) est ici présenté
sans véritables révélations, sans attaque inédite.
Il s'agit donc, et ce n'est pas un scoop, un mouvement qui se base
sur un discours en direction des classes populaires, leur promettant
monts et merveilles, leur susurrant entre les lignes que les négros
et les bougnoules seront bientôt chassés d'ici.
Et derrière cette façade ambiguë (mais non, nous
ne sommes pas racistes mais quand même…), le scénario
montre l'envers très sombre, les méthodes plus que
musclées pour arriver à leurs fins, il évoque
des financements parfaitement illégaux, sans toutefois en
faire le sujet du film. Cet aspect presque journalistique est un
peu schématique, presque simpliste. On se doute bien que
Lucas Belvaux, observateur de la réalité sociale française,
n'allait pas faire un portrait à décharge du FN. Le
film alors, dans sa dimension politique, ne peut s'adresser qu'aux
convaincus. Combien d'électeurs potentiels de l'extrême
droite s'en détourneront grâce à ce film ? Je
doute fort qu'il y en ait beaucoup. Ils ne se déplaceront
sans doute pas, et s'ils tombent dessus au détour d'un téléchargement
fortuit, ils ne retiendront que le côté "proche
du peuple" de ce parti immonde. Le récit ne les montre
d'ailleurs que très peu, ces électeurs. Ce sont des
silhouettes, tout au plus. Ce qui est creusé ici, c'est le
fonctionnement interne du parti, pas ses effets sur les citoyens.
L'autre volet du film, c'est le personnage de Pauline, joué
par Emilie Dequenne, très crédible. Son parcours,
ses doutes, la façon dont elle est embarquée un peu
contre son gré puis avec son consentement, son aveuglement
puis sa prise de conscience, tout cela est bien mené, parfois
avec subtilité, mais seulement parfois. Au final, tout cela
donne l'impression d'un film un peu vain, trop honnête pour
convaincre, un peu trop droit. La musique seule vient apporter de
l'inquiétude, des éclairs de cordes tremblées,
un son diffus, qui rôde et qui n'explose jamais mais qui s'installe,
doucement, sûrement, effroyablement.