Au cinéma, on avait laissé
Ernesto pas encore "Che" Guevara au bout de son voyage en
Amérique du sud, commencé en moto avec un de ses amis
(Carnets de voyage, de Walter Salles), où le futur révolutionnaire
se rendait compte par lui-même de la misère de des injustices
perpétrées sur tout le continent. Même si le voyage
était réel, Walter Salles en avait fait un très
beau film, une explication de la future carrière du Che avec
un côté romantique, passionnel, légendaire. Un
hommage au mythe.
Ici, Soderbergh s’en tient à la réalité
des choses. Il ne tente pas de mythifier, il frôle le documentaire
au risque d’ennuyer. Tout le début, du débarquement
à Cuba avec Castro aux premiers ralliements des paysans, est
montré d’une façon minimaliste, on peine à
croire à ces apprentis révolutionnaires un peu ridicules,
un peu empruntés, pas convaincants, qui ne font absolument
pas légende. Pour contrebalancer cet étrange effet,
Soderbergh mélange à l’histoire chronologique
de la révolution cubaine la narration en noir et blanc du séjour
de Guevara à New-York, quelques années plus tard, avec
son intervention à l’ONU. Les deux récits sont
filmés et mis en scène de façon complètement
différente : austère et avec très peu d’effets
pour l’histoire de la révolution, caméra virevoltante
et cadrages déstructurés pour la partie en noir et blanc.
Le résultat de cette tambouille est un peu dérangeant,
un peu bizarre, pas très efficace : on n’est absolument
pas happé par le personnage, on se demande souvent ce qui a
pu jouer en faveur de sa popularité, d’autant plus que
tous les renseignements sont donnés de façon confuse
: on sent l’austérité, mais pas la rigueur. Au
final de cette première partie, on sent quelques vibrations,
avec la prise de Santa Clara par les révolutionnaires, mais
la déception est à la hauteur des espérances
: un des personnages les plus légendaires mis en scène
par un réalisateur inventif, spectaculaire et capable d’imposer
sa vision, cela pouvait, cela devait déboucher sur un film
monstre : au vu de cette première partie, il n’en est
rien.