Au bout des quatre heures consacrées
à un personnage hautement mythique et de plus en plus contesté,
on parvient à comprendre la volonté de Soderbergh :
en évitant tout pathos, toute tentation mythifiante, il cherche
une vérité : qui fut cet individu, un révolutionnaire
brutal et anti-démocratique, ou bien un homme épris
de liberté et révolté par l’injustice.
Ses films sont donc des essais de réponses, une description
des faits extrêmement documentée, et cependant ne prétendant
pas à un étalage exhaustif des moindres péripéties
de sa vie. La première partie montrait une révolution
réussie, celle de Cuba : comment prendre le pouvoir avec au
départ quatre-vingts hommes seulement. Tout ne semblait pas
maîtrisé dans le récit, et l’opposition
des styles (noir et blanc tremblé et tendance pour la conférence
à l’ONU, couleurs sèches et mise en scène
minimaliste pour les évènements cubains) nuisait à
l’efficacité de la démonstration. Dans cette deuxième
partie consacrée à la déroute en Bolivie, on
retrouve le style sec et sans effets pour tout ce qui concerne les
actions extérieures : c’est à la fois déconcertant
parce que anti-spectaculaire et plus prenant que dans la partie cubaine
: les débâcles sont toujours plus intéressantes
et émouvantes que les succès…
Et puis, par instants, de façon fugace, on retrouve la patte
de Soderbergh : dans la façon de filmer l’arrivée
en Bolivie du Che déguisé et de quelques-uns de ses
compagnons : c’est alerte, coloré, attirant, un peu mystérieux.
Un peu plus tard, il y a une traversée de rivière dans
un silence de mort, avec des points de vue différents, sur
ceux qui traversent, sur ceux qui les observent et vont bientôt
tirer, sur celui qui les a trahis : là encore on retrouve une
grande virtuosité, une mise en scène qui ne se contente
pas d’exposer des faits. Ces instants et d’autres font
regretter finalement la sécheresse de l’ensemble : un
peu de spectacle et d’emphase n’aurait sans doute pas
nuit au propos. Sans aller jusqu’à la grande fresque
romantico-politique, on pouvait imaginer un grand film qui reste dans
les mémoires : celui-ci en intéressera plus d’un,
mais comme il ne soulève aucune passion, il y a fort à
parier qu’il s’oubliera bien vite…
Le
Che, pour aller plus loin ?