Il est des films qui vous cueillent 
              par surprise, peut-être parce qu'ils viennent au bon moment, 
              peut-être à cause de la saison, ou de la lumière 
              extérieure ou de l'état de votre âme à 
              ce moment précis, là, où vous entrez dans la 
              salle obscure.
              Pourquoi la vision de ces trois personnages m'a-t-elle autant bouleversé 
              ? Il est question, dans le récit, d'une maison qu'il faut 
              vendre, celle du père mort. Pas une maison de famille, juste 
              un endroit où il est allé s'installer parce qu'il 
              aimait la Bretagne. Un endroit trop grand pour lui, mais où 
              sa fille, celle qui vend maintenant, est venue parfois et y a quelques 
              souvenirs.
              Se séparer d'une maison évoque pour moi quelques douleurs, 
              et même si le contexte du film n'a rien à voir avec 
              mon histoire personnelle, il y a forcément quelques correspondances, 
              des occasions de s'identifier dans tel ou tel personnage. Mais de 
              là à se retrouver submergé à ce point…
              La mise en scène n'a rien de tiède, et malgré 
              un univers intimiste très "comédie dramatique 
              française", le réalisateur a des partis pris 
              forts qu'il tient jusqu'au bout, le jeu avec les voix off, la façon 
              dont les acteurs s'adressent parfois à la caméra, 
              donnant à la fois une grande proximité et un aspect 
              fabriqué, antinaturaliste mais tellement signifiant…
              On sent de la douceur, de la tendresse, des non-dits douloureux, 
              de la sérénité fragile et puis parfois des 
              équilibres rompus, des éclats de voix, des éclairs, 
              une tempête… les trois interprètes n'y sont pas 
              pour rien, mais les choix de cadrage, d'éclairage des visages, 
              de rythme à l'intérieur des scènes et des transitions 
              démontrent un style, une patte, le film a du caractère, 
              il y a même quelques faiblesses, quelques ratés qui 
              ne nuisent pas à l'ensemble mais le rendent encore plus humain. 
              Yannick Renier et Emma de Caunes sont formidables, inventifs, spontanés… 
              Mais de façon étonnante, l'émotion vient le 
              plus souvent de Jeanne Rosa, qui joue une agente immobilière 
              ordinaire en apparence, un peu moins lorsque l'on creuse… 
              mais n'est-ce pas le cas de tout être humain ? Finalement, 
              la réussite du film est peut-être là, dans les 
              creux des personnages, dans leurs petites rides, dans leurs petites 
              blessures, dans la façon dont sont esquissées leurs 
              personnalités, avec finesse et énormément de 
              sensibilité.