"On n'est pas sérieux
quand on a dix sept ans..." Arthur Rimbaud, cité dans
le film, énonce une vérité évidente
mais qui mérite d'être rappelée aux parents
qui voudraient que leurs enfants pensent à leur avenir. Ne
pas être sérieux ne veut pas dire qu'ils n'y pensent
pas, à leur avenir, mais si à cet âge-là,
ils n'ont pas de rêves, pas d'insouciance, pas de petites
folies, la vie toute entière risque de leur paraître
bien terne. Les cinq jeunes que le réalisateur a suivi pendant
l'année scolaire qui précède leur bac ont tous
ce manque de sérieux, chacun à leur façon.
Ils sont cinq à se voir souvent, certains plus régulièrement
que d'autres, certains se côtoient depuis longtemps, d'autres
un peu moins. Ils se racontent, avec pudeur mais semble-t-il avec
sincérité. Leurs doutes, leurs désirs d'épanouissement,
leurs peurs face à l'âge adulte qui les attend, tout
sonne juste, on s'y retrouve, et même si nos dix-sept ans
sont loin et que le monde a changé, ces cinq-là ont
quelque chose d'universel, parce qu'ils ont chacun leur singularité
et donc beaucoup de crédibilité. Et se voir en eux
peut se révéler sacrément émouvant.
Car beaucoup de choses de leur vie future se jouent là, en
ces instants où il faut choisir, où il ne faut pas
se tromper (ou bien justement, le contraire, pouvoir se tromper
pour être bien sûr que le chemin, son propre chemin
n'est pas celui que l'on croyait, ou celui que les autres vous traçaient
sans vraiment vous demander votre avis).
Les parents ne sont pas écartés, et c'est une des
forces du film, ils ne sont pas montrés comme des obstacles
aux rêves de leurs enfants. Des garde-fous, peut-être,
mais surtout des adultes qui se souviennent de ce qu'ils étaient
à cet âge-là, parfois maladroits, parfois à
côté de la plaque, mais conscients de la difficulté
de ce passage.
Les passages chantés glissent tout seuls, on ne peut pas
être certain qu'ils soient indispensables, mais ils provoquent
une certaine distance, comme une légèreté bienvenue
lorsque ce qui est dit peut sembler un peu lourd ou bien au contraire
comme un voile de mélancolie ou d'incertitude sur des mots
qui paraîtraient trop affirmatifs.
C'est donc un documentaire qui prend parfois l'aspect d'un film
de Jacques Demy, d'autant plus que cela se passe à Boulogne,
ville portuaire… C'est donc un documentaire qui peut vous
serrer la gorge bien plus qu'une fiction… C'est donc un documentaire
qui prend son temps, qui musarde, plein de charme et d'originalité.