Petit bijou purement formel,
taillé au cordeau, cette adaptation de Simenon par Amalric
regorge de trouvailles pour garder le spectateur en éveil.
Le récit, d'abord, qui s'amuse à éclater la
temporalité, et qui, du coup, permet de se poser beaucoup
de questions pendant toute la durée du film. Lorsque l'on
croit avoir les réponses, d'autres interrogations viennent,
jamais pour retourner totalement le point de vue qu'on a pu se fabriquer,
mais pour le nuancer, pour y semer quelques doutes. Et si, finalement,
celui qui semblait de bonne foi n'était qu'un manipulateur
? Et si celle sur qui beaucoup de charges paraissaient peser pouvait
les partager avec un autre... En fin de compte, bien malin qui saura
qui a tué qui, et s'il y a eu effectivement meurtre...
Pour emballer ce récit à niveaux multiples, le réalisateur
ne lésine pas sur les effets, à commencer par la dimension
du cadre, à l'ancienne, tellement désuet qu'il en
devient très moderne, déjà repris par Gus Van
Sant, ou Anderson. Ici, Amalric en use comme si les personnages
étaient à l'étroit, ils débordent de
l'écran comme ils débordent de leur vie, trop rigide,
trop écrite à l'avance. Les éclairages souvent
très crus, la photographie jouant à l'extrême
avec les profondeurs de champ, le travail sur le son qui entremêle
les scènes, tout fait sens et donne au film un aspect brillant,
c'est un travail parfait, presque trop : on se surprend à
admirer l'objet filmique sans ressentir la moindre émotion,
sans s'attacher aux personnages...