Ils n'ont l'air de rien, les
films de Kelly Reichardt. Et pourtant… Comme pour Old
Joy, il ne se passe pas grand-chose dans Certaines
femmes, les personnages ne braquent pas de banques, ne détruisent
leurs vies qu'à petit feu, rêvent probablement d'une
autre existence, regardent l'amour passer à côté
d'eux, comme tant d'hommes et de femmes dans la vie réelle.
Ici, comme il est dit dans le titre, la réalisatrice ne s'intéresse
pas aux hommes, ou fort peu. Quatre femmes, dans trois histoires
distinctes (elles se frôlent, mais c'est bien plus le propos
qui les réunit que le récit), donnent à voir
un fragment de leur vie. Même s'il n'y a pas d'événement
marquant, elles sont toutes les quatre à un moment charnière
de leur parcours. La solitude, même pour celle qui est en
couple, les étreint en même temps qu'elle leur laisse
une certaine liberté. La façon qu'a Kelly Reichardt
de montrer leur mélancolie, leur lassitude mais aussi leur
force, leur indépendance, s'apparente à de la dentelle.
C'est d'une fragilité tremblante, le spectateur peut s'identifier
à l'une ou l'autre, peut y reconnaître une sœur,
une amie, et selon sa propre vision, y verra un abîme, une
tristesse sans fond ou bien quelques raisons d'espérer, ces
femmes, malgré tout, sont capables chacune de briser le fil
de la monotonie.
La description du quotidien, les décors naturels, les actrices
elles-mêmes ne font pas écarquiller les yeux, ce n'est
absolument pas du cinéma spectaculaire ou bouleversant, il
n'y a pas d'effets de caméra ou de montage, cela frôle
l'ennui parfois, mais de façon très subtile, un humour
discret (un chien courant après un tracteur…) ou une
attention donnée aux détails laissent des images fortes,
ces femmes-là entrent peu à peu dans votre univers
personnel, elles font peut-être voir la vie autrement.