Clint Eastwood est un vieux roublard.
Avec son savoir-faire ultra classique, il parvient à glisser
ses messages (que certains diront politiques) sur l'Amérique
comme il la voit maintenant. A l'origine de cette histoire vraie,
il y a un attentat, connu et visible par tout le monde, mais aussi
une drôle d'amitié entre deux personnages dissemblables,
hauts en couleurs, un vrai couple de cinéma ou de BD, un
peu Tintin et Haddock ou Astérix et Obélix (il y a
même Milou, ou Idéfix, personnalisé par la mère,
qui réconforte, aboie ou pleure, selon les cas). Richard
Jewell l'agent de sécurité et Watson l'avocat forment
donc un beau duo, l'un protégeant l'autre, ne doutant jamais
l'un de l'autre. La relation d'amitié est fort bien décrite,
crée de l'émotion, bien jouée par les deux
acteurs, c'est impeccable. La mise en scène est efficace,
n'en rajoute pas, s'efface pour mettre en valeur le rapport entre
ces deux-là. Et puis, parce que c'est un Clint Eastwood,
il y a du message, parfois sous-jacent, qui s'appuie sur une vision
bien lourde et caricaturale de l'Amérique. D'abord une sorte
de paradis lors du concert en extérieur, où tout le
monde danse bien gentiment sans se toucher sur une musique ultra
nulle, ultra country, ultra américaine (et là, il
y a comme une envie que tout ça pète…). Puis
une gestion de l'événement dramatique (l'attentat)
qui diffère selon la catégorie de personnes. Les secouristes
sont formidables, les simples flics aussi. Les supérieurs
des flics, déjà un peu moins. Les journalistes, tous
des rapaces sans exception, des chacals. Tout cela est très
attendu, de la part du réalisateur. Les puissants sont des
pourris, et ceux qui sont en bas de l'échelle sont dignes
d'intérêt, même s'ils collectionnent les armes,
même s'ils ont un penchant pour le maintien de l'ordre avec
la manière forte, et qu'on arrête de les emmerder,
hein ? Ce sont des bons Américains, n'est-ce pas ? Des blancs
plus ou moins propres sur eux, qui peuvent avoir quelques amis noirs,
ou homos (mais pas trop, hein, faut pas pousser), qui peuvent éventuellement
ne pas payer leurs impôts, qui ont quelques soucis avec le
respect des lois (certaines lois, qui vous empêchent de vivre
en toute liberté…), qui considèrent que le monde
entier n'existe pas en dehors de l'Amérique, mais qui au
fond, sont des chouettes gars (ou des chouettes filles, mais déjà
beaucoup moins, … depuis Million
Dollar Baby, combien de vraies héroïnes au panthéon
de Monsieur Eastwood ?) Le vieux roublard a du savoir-faire, son
cinéma a beau être ronronnant, laid et passéiste,
il a encore des choses à dire, même si au fond, très
au fond, elles sont à vomir.