The Card Counter

Paul Schrader

L'histoire

Mutique et solitaire, William Tell, ancien militaire devenu joueur de poker, sillonne les casinos, fuyant un passé qui le hante. Il croise alors la route de Cirk, jeune homme instable obsédé par l’idée de se venger d’un haut gradé avec qui Tell a eu autrefois des démêlés.

Avec

Oscar Isaac, Tye Sheridan, Tiffany Haddish, Willem Dafoe

Sorti

le 29 décembre 2021


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

L'ennui au compteur

 

Prenez un type revenu de tout, même de l'enfer, et envoyez-le se balader de casino en casino, jouant au poker et gagnant suffisamment pour assurer sa subsistance mais pas assez pour devenir une légende. Affublez-le d'un jeune homme qui cherche à se venger d'un obscur militaire ayant causé la mort de son père. Faites-le rencontrer une femme plutôt sympathique, sans charme particulier. Donnez-lui le nom d'un héros mythique d'un autre âge. Tout cela pourrait déboucher sur un film brillant de mille feux, ou sombre et désespéré, ou même un peu des deux en même temps. Mais l'acteur a beau jouer le mec ténébreux, mystérieux, sans attaches, le personnage reste fade et sans avantages, il traine sa dégaine déprimante dans des endroits plutôt laids (même l'espèce de parc lumineux, dont on a voulu sans doute qu'il soit un espace de rêves et de poésie, est d'une esthétique toc). Le réalisateur tente d'organiser le récit pour que les spectateurs soient happés par les zones d'ombre et se perdent un peu dans les flashbacks, certains probablement seront hypnotisés, d'autres resteront très en dehors de ce parcours de rédemption par procuration et finiront par s'ennuyer terriblement, surtout s'ils n'y connaissent rien au poker.

Vos commentaires pour ce film

Pour les adeptes du cinéma de Paul Schrader, The card counter reste fidèle aux thèmes qui l’obsèdent depuis ses débuts ; un personnage au fond du trou, déchu ou se percevant comme tel ; le poids du vécu et la contradiction entre les aspirations du héros et ce qu’il sait de la réalité ; enfin, une quête de rédemption qui ne peut passer que par la mortification des corps, et dans tous les cas, la violence... Le schéma est immuable depuis 1976, quand Schrader accoucha du scénario de Taxi driver
Pourtant, après les très réussis opus que constituaient déjà le classieux Mishima, le très doloriste Affliction ou le sordide Autofocus, et après s’être perdu par la suite dans des productions indignes de lui, Paul Schrader accède à un renouveau. Son triptyque initié avec First Reformed, poursuivi avec ce Card Counter, et qui se complète dorénavant d'un Master Gardener, constitue clairement ses trois films les plus aboutis ; formellement et narrativement. Épurés à l’extrême, ils ajoutent une dimension contemporaine et des problématiques actuelles qui renouvellent le cinéma de Schrader sans déroger à ses fondamentaux.
Avec The card counter, Paul Schrader signe son film le plus réussi dans une filmographie déjà bien remplie… Toujours aussi froid, hermétique, sec, sans effets de manche et pessimiste au possible, il est actuellement l’un des cinéastes américains les plus lucides et intéressants, si ce n’est le plus intéressant à suivre. Dans une production américaine qui radote et n'a plus grand chose à offrir, il apparait à près de 80 ans, tel un successeur involontaire de Sidney Lumet, comme quelqu'un qui a encore des choses à dire...

Fabien J, le 14 juillet 2023

 

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