Le "carancho" du titre,
c’est un charognard, un anti-héros qui fait son beurre
du malheur des autres, ou de leur misère. Et voir Ricardo Darin
et ses beaux yeux au regard fatigué mais intense dans ce rôle
de méchant, c’est un peu une entourloupe, pour faire
adhérer le spectateur à ses pratiques illicites (ou
presque). D’autant plus qu’il tombe amoureux d’une
très belle fée bienfaitrice, une femme médecin
alignant les nuits de garde, allant au secours des accidentés,
ceux-là même dont le charognard aux beaux yeux se sert
pour monter ses arnaques. L’amour étant incompréhensible
(et c’est tant mieux), la fée tombe sous le charme, bien
qu’elle connaisse les activités de son amoureux. De là
découle un drame, bien sûr, et il est un peu attendu,
un peu lourd, filmé sans sobriété. Il y a beaucoup
de plaies, de cris de douleur, des larmes et peu de rires. La nuit
est photogénique, le réalisateur est amoureux de son
actrice, les articulations du scénario grincent un peu et on
s’en moque, ce sont bien les aspects sombres, tragiques et irréversibles
qui l’emportent dans ce récit. Le dernier quart du film
frôle les limites du grand guignol, on se dit qu’il y
a comme de l’exagération dans l’air, tous ces malheurs,
tout ce sang, toute cette fatalité… et effectivement,
l’émotion en est un peu brisée. L’énergie
déployée, qui fait la force de l’ensemble, est
aussi source d’exaspération, on pense au récent
"Biutiful", qui ne donnait aucun espoir et qui avait un
déploiement d’effets à peu près identique.