L’idée de départ était intéressante
: un homme se met en retrait de sa vie professionnelle, pour veiller
sur sa fille à la suite du décès de sa femme.
Cette décision s’accompagne d’un dispositif très
concret en apparence, mais en réalité cette attention
est très symbolique, elle tient plus du concept, du "happening"
que d’autre chose.
Son installation journalière devant l’école de
sa fille fait naître bien sûr un bouquet de réactions
de ses proches, attristés ou bienveillants, enclenche des discussions
qui jusqu’alors n’avaient jamais pu avoir lieu. C’est
un temps suspendu, une période d’attente, un moment où
la vie se permet de prendre des pauses. Il n’y a pas que les
proches, il rencontre évidemment les habitués du quartier,
on devine toutes les histoires qui pourraient éclore de sa
situation d’observateur presque immobile.
Et puis, rien. Ce ne sont que des petits morceaux sans consistance,
des petites leçons de philosophie de la vie données
par un homme sans soucis matériels et assez rapidement agaçantes.
Tout ce qui concerne l’entreprise dans laquelle il travaille
est un peu confus et sans intérêt, et malheureusement,
les entretiens qu’il a avec ses collègues, même
s’ils sont joués par trois comédiens français
formidables, finissent par prendre beaucoup trop de place : on n’apprend
rien des personnages en eux-mêmes, on ne parle que de fusion
d’entreprises et de luttes de pouvoir qui transforment parfois
le film en un mauvais cours d’économie.
Et puis vient la cerise (moisie) sur le gâteau (fade) : une
scène de cul (pas moyen de l’appeler autrement) inutile,
laide, dont on ne sait pas si elle est fantasmée ou réelle
(et d’ailleurs on s’en moque), un des instants les plus
calamiteux qu’on ait vus cette année au cinéma.
C’est d’autant plus surprenant que le reste du film est
plutôt doux, avec tout de même quelques jolis moments,
des ombres de personnages dont on aurait évidemment envie d’en
savoir plus (la jeune fille au chien est délicieuse, mais n’a
finalement aucune réalité). A posteriori, cette douceur,
reflet du manque de douleur, est elle aussi détestable.
On a dit que si Moretti avait lui-même réalisé
le film, il aurait été bien meilleur. Pas si sûr.
Tout cela lui ressemble beaucoup, un intellectualisme mou, une gauche
bien-pensante, un discours qui se veut distancié d’avec
la douleur et la mélancolie et qui n’est en réalité
que futilité.
Finalement, je n’aime pas les films de Moretti, ni en tant qu’acteur,
ni en tant que réalisateur…