D’abord, cela fait plaisir
de retrouver Blier en pleine forme. Dialogues percutants, postulats
irréalistes, échanges absurdes, situations délirantes,
tout y est, et les deux comédiens se comportent comme deux
vieux briscards rompus aux joutes habituelles du scénariste-réalisateur.
Bien plus digeste que "les côtelettes", un des précédents
films de Blier, ce vin blanc bien rafraîchi (d’où
les glaçons du titre) se boit bien. Pas exactement léger,
on peut même dire âpre et astringent, la maladie et la
mort n’étant pas des sujets formidablement gais…
Le beau rôle réservé à Anne Alvaro décevra
ceux qui attendent la misogynie que l’on prête, à
tort ou à raison, à l’auteur de Buffet froid,
et ce n’est pas pour me déplaire.
D’où vient alors, montant peu à peu, et finissant
par envahir l’esprit, cette déception plus profonde que
le petit plaisir que l’on se fait à la vision de cette
œuvre ? Peut-être parce que tout est parfait, tout roule
comme sur des roulettes, la provocation, les bons mots, les dialogues
bien huilés, c’est une vraie machine, de nature à
remettre en cause l’estime que l’on pouvait avoir pour
toute la production de Blier, Valseuses comprises. En effet, en abordant
dans ce duel entre un homme et son cancer des thèmes sans doute
trop sensibles, il oblige le spectateur à prendre du recul.
On peut rire de tout, d’accord, mais il faut s’élever
un peu au-dessus du sentiment d’indignation qui peut naître
en entendant ce qui se dit, en voyant ce qui est montré. La
distance étant prise (elle est indispensable, sinon on prend
tout au premier degré et on peut finir par envoyer son fauteuil
dans l’écran), la structure du récit, les ficelles,
la fabrication des tirades, tout paraît artificiel, sans aucun
fond, ne reposant que sur le désir d’amuser, de provoquer
un rire jaunâtre. Finalement (et l’issue du film est tout
à fait symptomatique de ce manque de consistance), Blier n’a
rien à dire sur la maladie et la mort. Sa fable ne débouche
que sur une entourloupe, une blague de potache, et l’on se dit,
l’amour comme seul remède à la maladie, c’est
un peu court ; la morale est sauve mais ça n’a rien d’innovant
et toute cette farce n’a globalement que peu d’intérêt,
à posteriori. Du coup, on se dit que tous les autres films
de Blier fonctionnent sur le même schéma, sans vraiment
creuser les sujets abordés. Voir toute son œuvre comme
une accumulation de divertissements, c’est assez troublant et
profondément décevant. Mais peut-être n’est-ce
que du dépit, et revoir maintenant "Merci la vie"
ou "Tenue de soirée" modulerait cette déception…