Lorsque deux jeunes adolescents
se trouvent des tas de points communs pendant que leurs parents
s'affrontent pour un problème de montant d'un loyer, il est
possible de parler des méfaits de la gentrification sur l'amitié.
Mais ne voir en ce film qu'une dénonciation, certes subtile,
des dégâts collatéraux occasionnés par
la ségrégation sociale, serait le réduire à
un seul de ses aspects, qui n'en est finalement que le décor,
le contexte. Le réalisateur parle ici d'une amitié
adolescente mise à mal par le monde des adultes qui intervient
de façon brutale, bien qu'en partie en son corps défendant,
contre la possibilité que cette relation amicale puisse se
développer. Les raisons en sont principalement économiques
mais le film a l'intelligence de ne pas montrer les choses idéologiquement,
la "victime" de l'affaire, la locataire menacée
d'expulsion est autant enferrée dans son raisonnement personnel
que les propriétaires. A l'une l'Humanité et aux autres
la logique financière ? Ce serait trop simple. Les propriétaires
sont aussi des parents aimants et compréhensifs et d'une
certaine façon acculés dans une situation qui les
dépasse. La locataire qui ne peut pas supporter la hausse
de son loyer ne se donne pas véritablement les moyens de
résister, sa radicalité la condamne. Du coup, les
adultes étant renvoyés dos à dos, le récit
donne plus d'espace et d'importance aux deux jeunes, à tout
ce qui fait le sel de la naissance d'une relation, aux petits bonheurs
comme aux grands, à tout ce qui fait que la vie est soudain
plus agréable à supporter, malgré la rudesse
(relative, il n'y a pas de misère) de la société
qui les entoure. Ira Sachs, homosexuel déclaré et
dont les deux derniers films parlaient de relations amoureuses entre
hommes, pourrait ici évoquer une relation plus qu'amicale
entre les deux garçons, il faut vraiment chercher entre les
images quelque chose qui y ressemble. C'est très subtil,
comme une possibilité mais rien n'est montré ouvertement.
Tout le film possède cette délicatesse, cette façon
d'effleurer des sujets annexes pour au bout du compte laisser un
goût nostalgique et mélancolique d'une période
bénie, celle où le bienêtre est là mais
on ne le sait pas. Le charme est discret, le fil du récit
est ténu, il est possible de ne pas le saisir et de rester
en dehors, sans être touché.