Border Line **

Juan Sebastián Vásquez, Alejandro Rojas

L'histoire

Projetant de démarrer une nouvelle vie aux États-Unis, Diego et Elena quittent Barcelone pour New-York. Mais à leur arrivée à l’aéroport, la Police des Frontières les interpelle pour les soumettre à un interrogatoire.


Avec

Alberto Ammann, Bruna Cusí, Ben Temple, Laura Gomez

Sorti

le 1er mai 2024


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Effroi magistral

 

C'est une prouesse. Avec un minimum de moyens (une salle quelconque, une table et quatre chaises, des éclairages blafards, quatre comédiens, deux caméras…), le film installe un maximum de tensions, de questions, d'incertitudes. Impossible de savoir où le récit vous emmène, s'il raconte une crise de couple, une description d'un état policier délétère, une descente aux enfers… La fin, abrupte, inattendue, laisse le spectateur et les personnages principaux dans un tel état que l'on pourrait imaginer une dizaine de suites différentes.
S'il s'agit bien de passer la frontière des Etats-Unis, de pénétrer dans ce pays si convoité par tout un tas de rêveurs et d'ambitieux, les aspirants à l'entrée sur le territoire imaginés par les scénaristes-réalisateurs ne sont ni mexicains, ni iraniens, ni coréens du nord, ils sont juste vénézuélien pour l'un, espagnole pour l'autre. Ils ne viennent pas de Tripoli, de Pristina ou de La Havane, ils débarquent fraichement de Barcelone. Ils pourraient être… nous. Des Européens souhaitant s'installer quelque part en Amérique, comme d'autres l'ont fait il y a plus de cinq-cents ans. Entre temps, la police des frontières est née. Pas de nulle part. D'une certaine volonté politique, pour que les Etats-Unis restent ce pays à majorité blanche, avec un régime qui n'accorde pas la même liberté à tout le monde. Le rêve américain, d'accord, mais pas pour tous. On pouvait penser que le chemin de croix pour fouler le sol outre-atlantique s'était adouci, depuis les périodes décrites par America America d'Elia Kazan, ou par Golden Door d'Emanuele Crialese. Cela n'est pas certain. Border Line se situe au vingt-et-unième siècle, les choses ont évolué, certes. Mais dans quel sens ?
Tout le récit repose sur un interrogatoire dont les questions semblent presque anodines dans un premier temps (ce qui ne l'est pas, en revanche, c'est la situation et le rapport de force imposé par ceux qui posent les questions). Puis l'échange, insidieusement parfois, puis dérangeant, devient violent et intrusif… Il y a parfois un sourire qui pourrait laisser croire que les choses vont se dénouer. Mais il y a aussi des regards silencieux qui font extrêmement peur. Là, on se dit que la situation qui nous est montrée n'est pas seulement celle de candidats à l'entrée aux Etats-Unis, mais pourrait être celle de tous ceux qui ont choisi ou subi l'exil, quelque soit le pays que l'on quitte, quelque soit le pays où l'on se rend.
Le film montre comment, en déstabilisant l'autre, en le poussant à étaler l'ensemble de sa vie privée, en le faisant passer pour un moins que rien, on peut parvenir à un état de domination effroyable. C'est inhumain ? Non, malheureusement, c'est profondément humain. Ignoble, mais humain. C'est une œuvre magistrale, terrorisante avec si peu d'effets… Une prouesse.

 

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