C’est un film de créateur. Pas un produit standardisé
pour spectateur passif, pas un divertissement facile pour un samedi
soir pizza-bière, pas une avalanche d’effets spéciaux
et de poursuites en bagnole…
Formellement, on peut trouver cela discutable, on peut trouver les
cadrages trop ceci ou trop cela, l’image trop travaillée,
les mouvements de caméra trop voyants, mais tout cela est tellement
personnel… Il est évident que Fernando Meirelles a un
style, et ça n’est pas si courant : certains y seront
sensibles, d’autres seront gênés par cette mise
en scène léchée, où rien n’est laissé
au hasard.
Le scénario, plein d’invraisemblances, repose sur l’acceptation
par le spectateur d’un postulat de départ parfaitement
théorique et médicalement absurde, une épidémie
de cécité. Si l’on refuse cette base, le film
paraîtra long et fastidieux. Sinon, c’est une passionnante
et pourtant classique confrontation entre plusieurs personnages ne
se connaissant pas au départ, représentatifs d’une
société occidentale, traversant une épreuve qui
remet tout en cause, valeurs humaines, sentiments, vision (si l’on
ose dire) de la vie et de la mort.
Meirelles prend son sujet très au sérieux, peut-être
un peu trop, mais du coup va au bout des choses, mettant ses personnages
dans les pires situations, il fait de son histoire irrationnelle une
parabole sur les relations humaines, et on ne peut pas nier son ambition
: le film a du caractère, du répondant, et même
parfois une certaine splendeur.
Meirelles est un auteur à part entière, on attend ses
prochaines œuvres avec impatience !