Même si on est peu sensible
au type de musique joué par le Staff Benda Bilili (mélange
de traditionnel et de funk), on ne peut que ressentir la formidable
énergie développée par ces musiciens, leur incroyable
appétit de vie, l’inébranlable optimisme qui les
fait avancer, malgré tout ce qui aurait pu les clouer sur place.
Les ennuis (et c’est un euphémisme) qu’ils traînent
ou rencontrent sont de nature à en décourager plus d’un,
pas eux. Ils sont paralytiques (pour la plupart, des suites de la
polio, mais ça n’est pas souligné dans le film)
; ils habitent les quartiers (très) pauvres de Kinshasa, pas
exactement le lieu idéal pour faire de la musique et se faire
entendre par-delà les frontières ; un incendie ravage
le centre où ils sont hébergés et se retrouvent
donc à la rue…
Mais si le film existe, c’est qu’il témoigne d’une
sorte de miracle humain, une rencontre en forme de coup de foudre
entre ces musiciens des rues et deux journalistes français
qui veulent leur faire enregistrer un disque et se mettent à
les filmer… Cela dure cinq années, et c’est là
le premier mérite de ce documentaire pas comme les autres,
on les voit vieillir, ou grandir, évoluer, et pas seulement
musicalement… Les deux journalistes-réalisateurs s’effacent,
ne se mettent jamais en avant, et pourtant leur film n’est pas
neutre ou quelconque, il a une sacrée gueule, il se permet
quelques séquences de pure poésie et aussi quelques
plongées hallucinantes dans le quotidien des habitants de Kinshasa
(la fiction n’est rien, au regard de cette réalité),
ne se contentant pas de suivre les musiciens. Ces derniers, on le
sent, représentent quelque chose de très respectable
pour la plupart des personnes croisées dans les rues, ce qui
permet aux journalistes d’avoir accès et de pouvoir rendre
compte de scènes qu’il serait sans doute bien compliqué
de filmer pour n’importe qui d’autre.
On comprend donc d’autant mieux le milieu d’où
viennent ces artistes, et on ne peut qu’admirer. L’émotion
ressentie est puissante lorsqu’ils se produisent enfin sur des
scènes européennes, conscients du caractère extraordinaire
de leur aventure et en même temps restant ce qu’ils sont.
Ce sentiment d’exaltation et de bonheur intense n’est
pas dû à des effets faciles, il est parfaitement naturel,
on est sincèrement heureux pour eux, pour leurs proches, pour
tous ceux qui ont cru en eux. C’est une vision de l’Afrique
tout à fait inédite, ne négligeant pas la misère,
l’indigence, l’absurdité de la situation d’une
grande partie de la population, et donnant tout de même des
raisons d’espérer. Chapeau !