Transposition de faits réels
mais avec lesquels la réalisatrice a pris de nombreuses libertés,
ce film est à la fois un cauchemar en direct (l'utilisation
de très longs plans séquences renforce l'aspect documentaire
du récit, qui ne dure qu'une nuit) et un spectacle qui emprunte
certains codes des films d'horreur à suspense, ultra tendus
: on retient son souffle et en même temps on assiste effaré
au calvaire kafkaïen d'une victime d'un viol qui cherche à
porter plainte. Dans la façon de présenter les faits,
de les filmer en continu (pas le viol, et heureusement, il n'y a
aucune complaisance), la mise en scène fait penser au cinéma
roumain, avec sa volonté d'être au plus près
de la réalité. C'est cauchemardesque mais c'est aussi
hypnotisant.
Nous sommes en Tunisie, peu après la "révolution",
et on peut imaginer que la police, largement mise en cause, est
ici montrée telle qu'elle est dans la réalité
: corrompue mais surtout traitant les femmes comme des êtres
insignifiants. Nous sommes en Tunisie, mais qu'en est-il dans d'autres
pays ? Les polices des démocraties occidentales sont-elles
vraiment exemptes de tout reproche ? L'accueil fait aux femmes venues
porter plainte pour viol est-il toujours à la hauteur du
crime subi ? Le film est en cela sans doute plus universel qu'il
n'y paraît de prime abord.
Le jeu de l'actrice principale et celui de l'homme qui l'accompagne
dans ses démarches ne semblent pas toujours très justes,
en particulier dans les regards, qui se veulent perdus et décrédibilisent
parfois ce qui se passe. Mais leur situation, à elle surtout,
est tellement déstabilisante et traumatisante qu'on peut
difficilement imaginer ce que serait une réaction "crédible"
à ce qu'on leur fait endurer. Peut-on alors parler de justesse
dans le jeu ?
Le film n'est pas seulement une plongée en enfer sans issue.
La nuit tout à la fin a fait place au jour, la lumière
est éclatante, le personnage principal s'est transformé
et on ne peut qu'admirer sa détermination. Un film à
voir, pour ce qu'il dénonce et pour la façon dont
il le fait.