Il n’y a que des bonnes
intentions.
Dénoncer à la fois les méfaits mondiaux de l’OMC
et le manque de transparence médiatique autour de la mondialisation
libérale du commerce ; passionner le spectateur avec un récit
choral mettant aux prises avec les événements réels
une dizaine de personnages fictifs, flirtant avec la tragédie,
osant aussi le mélodrame américain pur jus ; donner
du rythme au récit, y apporter du suspense, frôler le
thriller…
Mais toutes ces envies se télescopent, s’annihilent les
unes les autres. Les discours pédagogiques sur la libéralisation
du commerce mondial et sur les dangers de cette course à l’argent
au détriment de l’humain ralentissent l’action,
qui elle même, lorsqu’elle prend le dessus, noie les messages
politiques et les rend décoratifs. De la même façon,
chaque personnage représente une branche du mouvement anti-libéral,
de la pasionaria enflammée au flic qui commence seulement à
se poser des questions, en passant par le militant romantique ne sachant
pas très bien contre qui il se bat : les tenants de la mondialisation
ou ceux qu’il tient pour responsables de la mort de son frère…
Tous ces personnages traînent avec eux leur histoire personnelle,
mélodramatique, qui ne fonctionne absolument pas avec ce qu’ils
représentent politiquement : il y a quelques refus de clichés
tellement énormes qu’ils en deviennent irréels.
On se croirait parfois dans une très mauvaise copie d’Inarritu,
avec en plus une dimension politique un peu naïve. Au final,
le personnage qui émeut le plus est celui qui apparaît
comme exempt de pathos : le représentant de Médecins
sans frontières, venu défendre l’idée que
les médicaments essentiels ne doivent pas être des objets
de commerce, est montré sans allusions à sa famille,
ou à ses amis ou à n’importe quel autre élément
de sa vie personnelle. Lorsqu’il comprend que personne ne l’écoute,
que son discours ne peut être entendu parce que toute l’attention
est portée aux manifestants, sa colère est révélatrice
du malaise créé par le mélange de la réalité
et de la fiction : cette femme bon chic bon genre qui perd son enfant
quatre mois avant d’accoucher a tout pour être émouvante,
mais on ne peut s’empêcher de comparer sa détresse
(évidente et pas contestable) avec les millions de morts dus
au fait qu’ils ne peuvent pas bénéficier de soins
trop coûteux… Il est aussi gênant que le réalisateur
ne fasse pas de distinction entre les différents combats pour
la planète : la survie des tortues est certes capitale, mais
la malnutrition en Afrique ou ailleurs n’est-elle pas plus urgente
à traiter ?