Marguerite Duras, on aime ou on
n’aime pas, mais on ne peut pas nier le style, l’ambiance
de ses romans. Qu’il ne s’y passe rien ou presque est
magnifié par l’écriture (ou bien vraiment, non,
on n’y trouve aucun charme, malgré l’aisance avec
les mots).
Dans ce film très lisse, dans lequel Rithy Panh montre tout
le respect qu’il a pour l’œuvre de Duras, il ne s’y
passe donc pas grand-chose : une veuve ayant acheté une propriété
au bord de la mer, dans l’Indochine des années 30, se
rend compte qu’elle s’est fait berner, les rizières
censées lui apporter une bonne récolte étant
inondables, donc inexploitables. Pour entreprendre des travaux (le
barrage du titre), elle a besoin d’argent, et voit d’un
très bon œil que le nouveau riche local, un chinois, soit
épris de sa fille, même si celle-ci n’a que seize
ans…
La Chine venant au secours de l’approximation européenne
en matière d’économie, il y a de quoi sourire
et d’établir un parallèle avec la situation actuelle,
mais il semble que cela ne soit pas vraiment le sujet. Les enjeux
tournent autour de la relation forcément ambiguë entre
la jeune fille et le riche Chinois, qui n’est ni vieux ni laid,
mais qui n’arrive pas à la cheville de la séduction
potentielle du propre frère de la jeune fille. Si la mère
pouvait aussi rentrer dans la danse, ce serait parfait pour pimenter
le mic-mac sentimental et vaguement incestueux mais non, elle se contente
de se lamenter intérieurement sur sa splendeur passée
et extérieurement sur l’éloignement programmé
de ses enfants. Il y a bien une autre femme un peu étrange
(mais seulement un peu) qui séduit le frère, et qui
rajoute un peu de sel dans la soupe des sentiments, mais tout cela
manque singulièrement de style. Pas d’ambiance, pas de
moiteur, pas d’inquiétude sur ce qui pourrait se passer,
on s’ennuie copieusement, les respirations des spectateurs s’alourdissent,
l’esprit divague, on regarde sa montre, tiens la jeune fille
montre ses seins, le riche chinois transpire, on admire au passage
le lifting d’Isabelle Huppert, est-ce qu’il faut racheter
du liquide vaisselle, à quelle heure est mon prochain rendez-vous
chez le dentiste, tiens c’est fini, bâillement, le générique
déroule, une femme prend une photo, elle doit avoir sa nièce
ou son cousin assistant de la costumière.
A la sortie du cinéma, une vague idée reste en suspens
: Gaspard Ulliel, avec son accent et ses biceps tout neufs, ressemble
à Jean Gabin. Mais de nos jours, on ne joue plus comme Jean
Gabin.