La mise en abyme comme procédé
pour raconter Barbara… c’est clairement un parti-pris,
un choix fort d’Amalric, un refus assumé de faire un
biopic classique. Jeanne Balibar ne joue pas le rôle de Barbara,
elle joue une actrice, Brigitte, qui joue Barbara dans un film tourné
par un réalisateur lui-même interprété
par Amalric. Il ne s’agit donc pas de donner une vision de
la chanteuse qui se prétendrait réaliste, mais d’essayer
de montrer quelque chose qui se situerait entre l’imaginaire
d’une part, ce qu’Amalric voit, rêve, fantasme
lorsqu’il pense à Barbara, et un aspect très
documenté d’autre part, avec l’apport d’images
d’archives, en miroir de ce que font les acteurs, Balibar
et les autres. Il en résulte un film assez foutraque, dont
le récit semble ne suivre aucune organisation. Ce sont des
bribes, un patchwork flou qui finit par dessiner un portrait de
la chanteuse, mais aussi celui de l'actrice Jeanne Balibar, sans
oublier la comédienne qu'elle est censée interpréter.
Les trois identités s'entremêlent, elles se ressemblent,
le spectateur parfois s'y perd parce que Balibar est parfois bluffante
dans l'imitation. Elle peut aussi être très loin ou
carrément dans la caricature, surtout lorsqu'elle parle très
vite sans articuler…
Forcément intéressant dans ses parti-pris, le film
peine à convaincre totalement, peut-être en raison
de l'admiration évidente d'Amalric pour Barbara et pour son
interprète : en tant qu'acteur jouant le réalisateur,
il reste très en retrait, et c'est assez reposant, c'est
comme s'il se contentait d'observer une légende ou plutôt
deux légendes; mais cette admiration, cet immense respect,
font que beaucoup d'éléments ne semblent qu'effleurés,
suggérés : la distance entre le metteur en scène
et son personnage principal déteint sur ce que peut ressentir
le spectateur : l'émotion n'est pas au rendez-vous, alors
qu'avec Barbara, c'est ce qu'on attend de toute évidence.