L'argument du film et les choix
de la réalisatrice pour le mener à bien sont plutôt
intéressants. S'agit-il d'un "teen movie" à
l'américaine, assez rare dans la production française
? Dans la description des personnages, il y a quelque chose de Larry
Clark, qui aborde souvent dans ses films une certaine perte de valeurs,
par le biais des agissements d'adolescents, souvent représentatifs
de la société dans son ensemble. Ici, Eva Husson fait
le choix de ne montrer qu'une tranche sociale définie, quelques
jeunes issues de familles aisées de province, bourgeoises
ou intellectuelles, et même si cela exclut beaucoup de possibilités
scénaristiques, cette restriction culturelle a le mérite
de paraître crédible, ce que font les personnages semble
plausible. Si l'on peut citer Larry Clark pour des sources communes
d'inspiration, le traitement en est très différent.
Jusqu'aux deux premiers tiers du film, les lycéens, interprétés
avec grâce par des acteurs peu ou pas connus, ne montrent
pas beaucoup de convictions, ne semblent pas avoir d'espérances
un peu folles comme on peut en avoir à cet âge, vivent
leur présent avec une bonne dose d'ennui et s'engagent dans
ces fêtes sexuelles, ce défoulement des corps, plus
parce qu'ils n'ont rien d'autre à combattre et parce qu'ils
sont vides de passions que par un vrai défi aux convenances,
au socialement correct. Mais cet état d'esprit un peu nonchalant,
un peu décadent, est montré de façon très
élégante : les images sont travaillées, les
corps et les visages sont beaux (celle qui joue le personnage de
George (si, si, c'est une fille) est squelettique et du coup manque
de sensualité mais les autres sont plutôt charmant(e)s),
la musique omniprésente apporte de la fluidité, tout
cela est assez agréable à voir, peut-être cela
manque-t-il d'un peu de provocation, de rugosité, mais cela
s'accorde avec le propos : ce qui se joue dans ces étreintes
n'est pas si grave, au fond. C'est un peu irréel, un peu
poétique…
Puis, le récit bascule vers quelque chose de plus anecdotique,
une sorte de retour à la réalité, nimbé
de moralité. C'est du fait divers, et l'histoire d'amour,
annoncée dans le sous-titre du film, un peu attendue, ne
contrebalance pas l'impression d'avoir perdu tout ce qui faisait
le sel et le piment (même doux) de cette drôle de chronique
de quelques jours peut-être heureux, peut-être fous,
ineffables certainement.