Le roman de Murakami dont le film
est une adaptation a été lu par dix millions de personnes
au Japon, traduit en trente-huit langues… Murakami, c’est
une évocation de sensations et de sentiments, dans une belle
langue poétique ou très crue, avec parfois une impression
d’ennui. Le passage au cinéma n’était pas
facile, en raison du manque d’événements dans
l’histoire. Les images sont splendides, la lumière, le
jeu des couleurs, autant sur les paysages que sur les visages et les
corps, tout cela est très réussi et donne une élégance
puissante à l’ensemble. Il faut dire que Ping-Bing Mark
Lee le chef opérateur attitré de Hsiao-hsien Hou a travaillé
sur le film, et cela se voit. Mais le réalisateur n’a
sans doute pas fait confiance au pouvoir des seules images, les dialogues
redondants viennent gâcher les regards, les inclinations, tout
ne semble pas avoir besoin d’être dit ! Il y a souvent
une surabondance d’effets, comme dans la scène de deuil
au bord de la mer, où le personnage crie sa douleur, pendant
que les vagues se déchaînent, le tout noyé (c’est
le cas de le dire) par une musique lourde et expressive… La
peine a du mal à surnager, on a tendance à ne voir que
le ridicule des postures.
Les longueurs (le film dure plus de deux heures), les échanges
verbeux et cette accumulation de signaux pour signifier le mal-être
finissent par diluer les émotions, et on a du mal à
s’attacher aux trois personnages, la jeune fille abattue par
le suicide de son ami d’enfance devient plus agaçante
que touchante au fur et à mesure de l’avancée
du récit, on a parfois envie de donner des claques (morales,
ou virtuelles…) au jeune homme qui n’arrive pas à
savoir ce qu’il veut, et la deuxième jeune fille, pétillante
et pleine de vie paraît futile et inconséquente. Il reste
la beauté des images, mais un film ne peut pas se réduire
à un album de photos, si belles soient-elles.